mardi 12 février 2008

Franz Weyergans (1912-1974)

  • La Bibliothèque idéale des jeunes : la fiction, les sciences humaines, la vie vécue / Franz Weyergans.- 5e édition, revue et augmentée.- Paris (115, rue du Cherche-Midi, 6e) : Editions Universitaires, 1969.- 270 p. : couv. ill. ; 20 cm.- (La bibliothèque idéale).



Au lecteur


J'aurais voulu, pour cette cinquième édition, intituler ce livre Bibliothèque idéale des aînés. Car elle s'adresse à ceux qui ont compris que la lecture est un acte, qu'elle n'est pas fuite mais présence, pas refuge mais ouverture.

J'ai supprimé la préface où j'esquissais rapidement un art de lire. J'ai consacré, depuis la première édition, tout un livre à ce sujet, Apprendre à lire, que j'ai voulu comme le complément indispensable de cette Bibliothèque.

Les deux livres sont nés de la même démarche : donner accès aux œuvres sans peser sur le lecteur, et faire de la lecture un enrichissement. Les livres nous conduisent vers des pistes multiples, mais toutes doivent aboutir à la connaissance de l'homme – et de l'homme que nous sommes. De même un livre nous offre-t-il de nombreux accès à son message. Plus le message est important, plus nombreux sont les accès. Pour le comprendre et l'assimiler, nous devons emprunter toutes les voies qui mènent à lui. Il ne suffit pas de lire, il faut aussi, au cours de toute une vie, apprendre à lire.

J'insiste aussi sur la Bibliothèque. Les livres présentés ici sont accompagnés d'une indication de niveau (sauf pour le chapitre « Sciences humaines »). Ces indications sont nécessaires. Je ne me dissimule pas les dangers qu'elles entraînent :

Le premier c'est que les lecteurs s'imaginent qu'il s'agit de livres réservés aux grands adolescents. Or, j'ai suivi, dans l'établissement de ce choix, la démarche exactement inverse. Il s'agit de livres d'adultes proposés aux grands adolescents. Cette bibliothèque est celle du futur adulte. Il la continuera au long de sa vie. Mais il relira, au cours de son âge mûr, la plupart des livres qui s'y trouvent.

Les sigles qui divisent les lecteurs ne sont pas des défenses et ne sont pas axées sur un code moral. Car la formation de la personnalité est une. On apprend à dominer un livre sur tous les niveaux à la fois. Les débats du cœur et de la chair, et le jeu des passions humaines, qui sont le tissu même des œuvres de fiction, on ne les dominera pas, on n'en fera pas l'occasion d'une affirmation de soi, si on n'a pas formé sa personnalité sur tous les plans – intellectuel, moral et spirituel.

J'entends ce dernier mot au sens le plus large. Car ce livre n'est pas confessionnel. S'il fait la part du fait chrétien, il le propose à tous ses lecteurs, comme une réalité pour les chrétiens, comme un phénomène pour les autres. Nous devons nous défaire de cette équation spirituel-christianisme.

Les indications d'âge sont des indications de maturité. Chaque lecteur doit s'interroger et se classer lui-même. Les deux premières éditions ont suscité des réactions en sens divers à ce propos. Certains les trouvaient trop étroites, d'autres trop lâches, d'autres encore inutiles. J'ai décidé de les maintenir, mais en soulignant leur valeur de conseil, et en rappelant l'exercice de l'honnêteté envers soi-même.

Cette nouvelle édition propose une innovation importante. Sans réduire la part faite aux livres de fiction et aux témoignages de vie, j'ai ouvert, sur les conseils de nombreux usagers, une rubrique de « Sciences humaines ».

Puisque les événements de mai 68 ont prouvé que les jeunes (parfois très jeunes) désirent peser sur le destin de leur pays, il faut en tirer les conclusions. Ils n'atteindront pas ce but à coups de slogans, et les manifestations seront vaines s'ils ne savent ce qu'ils veulent. Ils doivent se former à l'étude des grands problèmes contemporains. C'est pourquoi cette rubrique propose les livres sérieux, les livres de base qui permettront à ceux qui ont vraiment le goût de l'action de la mener en connaissance de cause.

J'ai voulu un choix de livres engagés, mais sans parti-pris. Déjà la première édition ne présentait que des livres exigeants, qui obligeaient le lecteur à se connaître. Celle-ci va dans le même sens. Du tiers monde à l'architecture de l'an 2000, de Proust à Robbe-Grillet, de Freud à Riesman, c'est le même mouvement, celui de la plus pure jeunesse d'aujourd'hui, qui veut libérer l'homme, le restaurer dans sa liberté et l'amener au partage communautaire.

F. W.

P.-S. On ne s'étonnera pas trop de l'abandon des indications d'âge et de leur remplacement par des catégories plus souples – dans l'esprit de cette nouvelle édition.

Trois catégories sont prévues : celle de l'initiation à la lecture par les grandes œuvres, celle de la formation du goût et de l'esprit par ces œuvres, et celle enfin où le lecteur accède à une culture de plus en plus vaste, toujours par la lecture (cf. Table des sigles).

On pourrait dire que les trois catégories correspondent plus ou moins aux trois âges de l'adolescence : 14-15 à 15-16 ; 15-16 à 16-17 ; 16-17 et au-delà. Mais nous resterions encore dans l'approximation, car l'usage a démontré qu'il était très difficile de cerner les catégories d'âge. Cet âge est influencé par les milieux de vie ou de travail, les études faites, les expériences vécues, etc.

Aux lecteurs comme à ceux qui les guident je rappelle que les sigles sont destinés à marquer une progression, et qu'il faut à la fois, pour qu'une lecture soit efficace, connaître le livre et connaître le lecteur. Je crois avoir aidé chaque fois à connaître le livre. Quant au lecteur, il doit se connaître lui-même.