mardi 9 juin 2009

Abbé de La Marre (1708-1742)


  • Les Quarts d'heure d'un joyeux solitaire : contes / de l'abbé de La Marre ; [front. d'Amédée Lynen].- Sur l'imprimé de La Haye, 1776.- A Bruxelles : chez Henry Kistemaeckers, 1882.- 53 p.-1 f. de pl. en front. ; 20,5 cm.
    • Tirage : 300 exemplaires sur papier teinté, 10 exemplaires sur papier du Japon.



NOTICE

Ce petit volume de Contes étant devenu extrêmement rare aujourd'hui, et les neuf dixièmes des bibliothèques n'ayant pu se le procurer, nous en donnons cette réimpression à 300 exemplaires au bénéfice des curieux et des collectionneurs. Quoique l'on ait souvent attribué ce petit recueil à Sabatier de Castres, et que Viol[l]et-le-Duc lui donne même pour père Félix Nogaret, nous croyons devoir imprimer - sur l'affirmation positive de différents bibliophiles érudits qui compulsèrent à cette intention les manuscrits du temps, - le nom de l'abbé de La Marre en tête de ce petit livre, comme étant le véritable auteur de ces rimes joyeuses.


AU LECTEUR

Bien des gens qui ne lisent jamais de préface, seroient cependant fâchés de ne pas trouver à la tête de cette brochure quelque chose qui en eût au moins l'air. En auteur exact et instruit des bienséances je vais rendre compte au public de mes intentions, et de l'histoire de cette petite édition. Je n'ai eu d'autre but en m'égayant dans les Contes, qu'on lira, si on le juge à propos, que de m'amuser moi-même, voilà mon objet, et ma philosophie ne connut jamais que celui-là. On a cru apparemment que je pourrois en amuser d'autres, et je ne veux point tromper le public en déguisant ici le fin connaisseur qui a eu cette bonne opinion de mes petits ouvrages. Le croira-t-on ? C'est mon valet de chambre. Le fripon, qui met quelquefois le nez dans mes papiers, a jugé à propos d'en traiter avec un colporteur, encore plus fripon que lui. Il a ainsi produit au grand jour ce que j'avois fait dans le silence, pour égayer quelques bons intervalles, que me laisse rarement une goutte aussi ancienne dans ma famille que le goût du plaisir. Quand je ne puis agir, je pense, et mon imagination me sert assez bien, lorsque le reste de ma machine est forcé à l'inaction. Elle a enfanté ces petits Contes, et il n'est pas douteux qu'elle n'en enfante encore plusieurs autres.

Je crois, Lecteur, avoir tout dit, à moins que vous ne vouliez que j'ajoute que mon voleur littéraire a encore assez compté sur ma bonté, pour venir me demander une épigraphe et une préface. Il falloit, en effet, pour que l'édition fût dans les règles. Pour l'épigraphe, je l'ai envoyé au docte M..., qui en a un magasin, au service des auteurs françois qui n'entendent pas assez le latin pour donner, par eux-mêmes, ce relief à leurs ouvrages. Pour la préface, elle est de moi ; mais je crains bien qu'elle ne me coûte un nouvel accès de goutte, pour l'avoir faite, et vous, un accès d'ennui, pour l'avoir lue.