- Albert Skira : vingt ans d'activité / couverture et frontispice par Henri Matisse, présentation par Paul Eluard.- Genève, Paris : Éditions Albert Skira, 1948.- 84 p. : ill. en noir et en coul., couv. ill. ; 20,5 cm.
- Cet ouvrage a été achevé d'imprimer le dix novembre mil neuf cent quarante-huit sur les presses d'Albert Kundig pour la typographie et de Roto-Sadag pour l'héliogravure. Le papier a été fourni par Mathey et Poirier. Il a été tiré à part mille cinq cents exemplaires numérotés de 1 à 1500 sur papier pur fil Lafuma.
VINGT ANS D’ACTIVITÉ
Un beau livre n'est pas l'ouvrage d'une seule personne, il est le fruit des efforts efficaces et conjugués de tous ceux qui travaillent à sa réussite.
Que mon ami Achille Weber, que mes compagnons de travail, que les peintres et les écrivains familiers retrouvent dans ces pages, qui ne sont que la courte histoire d'une jeune maison d'édition, quelques souvenirs de leur activité féconde et tous les dons qu'ils m'ont faits.
A. S.
ALBERT SKIRA
"O livre, raison ardente !"
Écrire ici combien je porte d'honneur à un homme qui, ayant travaillé à la perfection, mérite bien quelque reconnaissance. J'ai assisté de très près à ses débuts, à la construction des premiers grands livres : les Métamorphoses, le Mallarmé, les Bucoliques. Il avait obtenu de trois divins graveurs qu'ils s'approchent aussi près que possible d'un texte, et, page à page, dans le livre, progressait cette lumière qui dominera tout l’œuvre d'Albert Skira, lumière de la sensibilité d'un metteur en pages dont la variété des indications parvient à fondre, comme nul autre, les blancs et les noirs en une harmonie aussi douce que le prisme.
C'était au temps de Minotaure et des premiers Trésors de la Peinture française. Jour et nuit penché sur ces maquettes, Albert Skira, praticien et théoricien, artisan et artiste, s'acharnait jusqu'à l'épuisement, à déceler la négligence, l'erreur et surtout la facilité. Minotaure lui tendait piège sur piège, lui imposait contradiction sur contradiction, déficit sur déficit. Il put tout surmonter et nous eûmes la plus belle revue du monde, la plus audacieuse.
L'élan était donné. Albert Skira aurait pu, satisfait de ses réussites, continuer, la conscience absente, une œuvre à peine diversifiée. Mais, pour lui, créateur, chaque travail nouveau s'enrichissait des charmes qui manquent toujours au travail achevé, si achevé soit-il.
Paul Eluard
Octobre 1948