samedi 30 mai 2009

Georges Courteline (1858-1929)


  • Contes / Georges Courteline ; introduction d'Edmond Pilon, [ill. de Jacques Touchet].- Paris : L'Edition d'Art H. Piazza, MCMXXXI [1931].- 292 p.-1 f. de pl. en coul. : ill. en coul. ; 19 cm.- (Contes de France et d'ailleurs ; 5).
    • Les illustrations de cet ouvrage, cinquième de la collection « Contes de France et d'ailleurs » ont été dessinées spécialement par Jacques Touchet. Il a été tiré 300 exemplaires (1 à 300) sur papier Annam de Tives et 3200 exemplaires 5301 à 3500) sur papier chiffon. Exemplaire n°1098.


INTRODUCTION

LORSQU'IL fut parvenu à la fin de son profond et subtil essai sur le Rire, M. Henri Bergson ne put s'empêcher de conclure en montrant qu'à côté du rire qui mousse, pétille et n'est après tout que l'expression d'une joie saine, « légère et gaie », une autre forme de ce même rire existe encore : celle à laquelle « une certaine dose d'amertume » vient s'ajouter.

Ce rire ou plutôt ce comique-là, né de l'obser­vation et qui se montre assez avisé pour découvrir les traits de caractère sous l'apparence du bouffon, est proprement celui de Courteline. C'était aussi celui de Molière, et c'est ce qui fait qu'on a pu dis­cerner, aussitôt que Boubouroche parut au théâtre, une sorte de similitude entre cette comédie et cer­tains traits d'humeur de l'auteur du Misanthrope. De son côté, Courteline s'est expliqué, en quelque façon, sur cette manière qui lui est commune avec Molière. C'est quand il s'adresse, pour les plaindre, à ceux de ses auditeurs ou des ses lecteurs qui « ne voient pas de quelles tristesses sont faits certains éclats de rire ».

Le premier de ceux qui s'aperçurent de cette ressemblance fut Jules Lemaître, et c'est lorsque ce juge si perspicace et intelligent écrit qu'il y a, dans le deuxième acte de Boubouroche, « plus et mieux que du burlesque », enfin que, de toutes les œuvres nouvelles du théâtre comique, celle-ci est « la mieux rattachée à la tradition ».

Le Boubouroche que nous donnons ici n'est pas celui de la scène. C'est seulement le conte d'où la pièce fut tirée ; mais chez Georges Courteline, le conte est si souvent dialogué, et ce dialogue lui-même présente un relief si saisissant, les situa­tions en sont si naturelles et vraies que l'auteur n'a eu que très peu de chose à faire pour le transposer du plan du livre à celui du théâtre.

« Le monde, a écrit plaisamment une fois l'in­cisif et charmant philosophe que fut Courteline, le monde se divise en deux classes : ceux qui vont au café et ceux qui n'y vont pas. De là deux mentalités parfaitement tranchées et distinctes, dont l'une — celle de ceux qui y vont — semble assez supérieure à l'autre. » Boubouroche va au café, Théodore y va et naturellement Lagoupille, le client sérieux ; ceux qui n'y vont pas sont le con­current heureux de Boubouroche, le père de Théodore et le Président du tribunal appelé à juger Lagoupille ; car c'est là un fait que, dans cette oeuvre diverse mais classique désormais de Courte­line, les tribunaux se trouvent être aussi nombreux que les cafés.

Avant de choisir les seconds comme théâtre à ses observations, Georges Courteline approcha d'a­bord des premiers. A peine était-il au sortir de l'enfance que l'auteur de la Paix chez soi, du Gendarme est sans pitié, de l'Article 330 com­mençait de fréquenter ces milieux austères. Il faut dire qu'en ce temps-là, son père, Jules Moinaux, le même écrivain qui fut l'auteur des inénarrables Tribunaux comiques, était un assidu des au­diences correctionnelles ; et comme Jules Moi­naux était doué, autant que son fils devait l'être un jour, de l'aptitude au comique et de ce sens carica­tural qui lui inspira tant de ravissantes pochades judiciaires, ce fut à cette école, bien un peu di­recte, que le jeune Courteline apprit à connaître, non seulement les surprises du code mais encore l'application que ne cessent d'en faire, aux Chi­caneaux de tous les temps, et dans un esprit qui n'a pas varié depuis Rabelais, les Dandins et les Intimés.

Les petits travers des lois, les brimades des magistrats, huissiers et tous officiers ministériels, l'arbitraire de la force mise au service du droit, les insupportables abus d'un pouvoir souvent plus tracassier qu'équitable, ont inspiré à Georges Courteline ces récits procédant par dialogues qui sont autant de petits chefs-d'œuvre de caustique humour et de franc pittoresque. Un monsieur qui a trouvé une montre, Hortense, couche-toi, Vos billets, s'il vous plaît, voilà, dans l'ordre de la nouvelle ou du conte, des pages bien dignes de prendre place à côté du surprenant Client sérieux, enfin de tous ces petits actes où ce maître du rire rejoint ses plus vieux ancêtres : les auteurs de soties ou moralités, ceux de la Farce de Pathelin, enfin le narquois Bonhomme à qui l'on doit des Fables où les juges et les justiciables, ces derniers selon qu'ils sont misérables ou puissants, sont campés d'un trait sobre autant que malicieux.

A propos de l'auteur de Boubouroche, de Gode­froy, de Théodore cherche des allumettes, une particularité, à laquelle on n'a pas prêté jusqu'ici suffisamment attention, est à remarquer encore. Nous voulons parler de l'origine provinciale de Courteline ; et peut-être bien que la finasserie unie à la drôlerie qui communiquent à son talent le re­lief et l'acuité, proviennent, chez l'observateur de Messieurs les ronds-de-cuir autant que chez le confident des Animaux malades de la peste, de cette disposition surprenante qu'ils ont l'un et l'autre, le Champenois et le Tourangeau, à décou­vrir les travers professionnels, à saisir le ridicule des individus.

« Un fils du pur terroir français », voilà com­ment René Boylesve, dans sa clairvoyance, définit une fois avec vérité ce natif de Touraine qu'est l'auteur des présents contes. Qu'à ce génie, quelque peu matois mais limpide en ses finesses, on ajoute un brin de gouaille parisienne et ce tour montmar­trois que l'écrivain acquit du côté de la Butte, au temps de la dernière Bohème, celle de 1880 à 1890, et l'on aura la définition d'un talent qui corres­pondait si bien au personnage resté jusqu'à la fin, chez Georges Courteline, en dépit de la rudesse apparente, infiniment bon.

Ce personnage d'un maître, si original dans sa physionomie et si judicieux et profond dans son œuvre, Edmond de Goncourt en a laissé le por­trait savoureux, enlevé prestement d'un crayon un peu aigu mais juste, rappelant ceux d'un Forain ou d'un Toulouse-Lautrec. C'est quand, dans une page de son Journal, il a représenté le conteur du Train de 8 h. 47, semblable à « un petit homme de la race des chats maigres, perdu, flottant dans une ample redingote, les cheveux en baguettes de tam­bour plaqués sur le front » ; un petit homme, un « gesticulateur » plutôt, ayant dans le sac de cette redingote « des soubresauts de pantin cassé », et, dans ses paroles, « la verve comique à froid » de ses articles mordants et de ses récits impayables.

Pour l'écrivain, le dramaturge et pour tout dire le moraliste, il est bien un peu cela aussi qu'a défini Edmond de Goncourt : un « chat maigre », nerveux, souple, mais drolatique et dont les coups de patte, la griffe acérée s'exercèrent non seulement sur les chats fourrés ses rivaux et ses adversaires, mais sur ceux qu'il nomma les ronds-de-cuir, enfin sur ces piliers de caserne toujours divertis­sants : les toubibs, les adjudants, voire ces vertigi­neux troupiers d'autrefois, dont le type s'est bien un peu modifié depuis la guerre mais qui n'en de­meurent pas moins les protagonistes du plus stu­péfiant guignol militaire : Potiron, Lidoire, et ces joyeux drilles honneur du fameux escadron de Bar-sur-Meuse : Croquebol et La Guillaumette.

Bien qu'il ne se fît pas illusion sur l'égoïsme ou la petitesse de ses semblables, Georges Courteline ne conclut jamais pour cela à cette désespérance, à ce pessimisme auxquels un Jules Vallès par exemple, mais dans un autre ordre, aboutit facile­ment avant lui. C'est que l'auteur de la Conver­sion d'Alceste, cela se devine à mille traits déli­cats, à maints touchants détails de sa vie et de ses ouvrages, ne cessa jamais de considérer le monde avec indulgence.

« Je compris que les hommes sont méchants », écrivit-il une fois dans le Piano, l'une de ses plus expressives et plus fortes nouvelles, contée sobre­ment. Mais de ce que les hommes sont méchants, il ne s'ensuit pas pour cela que Courteline le fut. La preuve en est que lui qui admirait Molière par­dessus tout, d'abord Amphitryon, puis ce Misan­thrope qu'il compare non sans beauté à un aigle « planant là-haut, tout là-haut dans le bleu », se laissa aller une fois à dire : « Le véritable tort d'Al­ceste, le plus grand de tous à beaucoup près, c'est de montrer l'humanité bien plus mauvaise qu'elle ne l'est réellement. »

Un sentimental qui se dérobe par pudeur sous le masque du rire, un gentil garçon qui demeura
ton ours, malgré son aspect sourcilleux, fidèle au joli passé de sa Bohème, voilà, en suprême analyse, ce que fut avant tout et surtout l'auteur d'Ah ! jeunesse. « Mauvais souvenirs ! a-t-il écrit une fois en contant avec humour des histoires un peu brutales d'escadron, mauvais souvenirs ! Soyez pourtant les bienvenus : vous êtes ma jeunesse lointaine. » Ah ! cette jeunesse ! Comme Georges Courteline l'aime, de quel ton il en parle, ce nouvel Alceste : « J'ai follement aimé ma jeunesse, je l'ai aimée passionnément, avoue-t-il, aimée comme une maîtresse pour laquelle on se tue ! » Au prix d'un tel aveu que sont les confidences des héros de Murger, des contemporains de Musette et de Mimi Pinson ?

Une pareille verve juvénile, un attachement aussi marqué à toutes les illusions, à toutes les effusions des années heureuses, est bien au surplus ce qui confère à tant de jolies pages, et malgré l'apparence quelque peu bourrue, un accent de poésie, l'on n'ose dire de tendresse. Cette tendresse, elle est là pourtant visible à bien des endroits, une tendresse faite de petites joies et de gros chagrins. Boubouroche ! Mais il a un cœur d'or, ce garçon-là ! Et cette Adèle, qui le trompe avec un bellâtre, ce n'est pas seulement une « carogne », comme on
disait au XVIIe siècle, mais une petite dinde, oui une petite dinde. Angélique même, dans la rustique comédie de Molière, n'est ni plus sotte ni plus in­conséquente. C'est que le monde ne vieillit pas ; il a toujours les mêmes défauts, les mêmes vices, aussi les mêmes vertus ; il souffre des mêmes peines ; et c'est ce que M. Lucien Descaves, qui aima Cour­teline et le comprit si bien, exprima mieux que per­sonne lorsqu'il écrivit, du personnage que nous présentons de nouveau, un peu plus loin : « Bou­bouroche c'est l'Amant confondu ; à ce titre, je crois bien qu'il restera comme Georges Dandin, au répertoire de la Comédie humaine. »

EDMOND PILON.

jeudi 28 mai 2009

Paul-Louis Jacob (1806-1884)

  • Les Courtisanes de l'ancienne Rome / par P. L. Jacob, bibliophile, avec un avant-propos.- Bruxelles : Aug. Brancart, 1884.- XV- 222 p. ; 18,5 cm.
    • Tirage à petit nombre.



AVANT-PROPOS

LES Courtisanes de l'ancienne Rome ne formaient pas, comme celles de l'ancienne Grèce, une corporation aristocratique, qui avait, en quelque sorte, droit de cité dans les villes du Péloponèse, de l'Hellade, de l'Epire et de la Macédoine. Elles n'étaient pas, comme les grandes hétaires grecques, admises à vivre ouvertement au milieu des hommes les plus éminents et les plus distingués de la République romaine et de l'Empire romain ; elles n'avaient pas le privilège de recevoir une espèce de culte admiratif et respectueux dans les cérémonies publiques : elles pouvaient être célèbres par leur beauté, par leur élégance et par leur luxe, mais elles ne paraissent pas avoir été signalées par la supériorité de leur esprit, par leur instruction, ou par leurs talents artistiques. En un mot, on n'en cite pas une seule qui ait été peintre ou statuaire, philosophe ou poète.

Nous ne parlons pas des mérétrices de bas étage, qui furent certainement plus nombreuses et plus infâmes à Rome que dans aucune ville de la Grèce antique, car la débauche romaine alla bien plus loin que la débauche grecque, parmi le peuple. Ces femmes dégradées, la plupart d'origine étrangère, qui servaient aux vils plaisirs de la populace, n'avaient pas souvent d'autre domaine que la voie publique, où la loi de police ne mettait presque aucune entrave à leur ignoble métier.

La bonne mérétrice, au contraire, avait un domicile et par conséquent, un repaire qui était connu de l'édile, chez lequel elle se faisait inscrire.

Plaute, dans sa comédie de la Cistellaria, établit clairement la différence qui existait a Rome entre la mérétrice et la prostituée : Intro ad bonam meretricem : adstare in viâ solum, prostibulae sane est ; c'est-à-dire « J'entre chez la bonne mérétrice, car c'est affaire seulement à la prostituée errante de se tenir dans la rue ». L'édile qui avait la police des cabarets et des bains, faisait sans doute payer une amende à toute coureuse nocturne qui n'était pas inscrite sur le registre de la prostitution, parce qu'elle n'avait pas de domicile fixe ; mais il ne se hasardait pas à troubler les plaisirs d'un citoyen romain, si dépravés qu'ils fussent.

On s'explique donc pourquoi la vie des courtisanes de Rome n'a pas eu d'historiographes, comme celle des courtisanes de la Grèce. Il n'y a point, à cet égard, d'ouvrage latin qui soit écrit sur le modèle des Lettres d'Alciphron et qui nous donne les renseignements qu'on trouve dans Lucien et dans Athénée. Que serait-ce donc si les écrivains grecs qui avaient composé des traités et des histoires sur les hétaires grecques étaient venus jusqu'à nous ? Nous connaissons leurs noms : Callistrate, Apollodore, Antiphane, Gorgias et vingt autres ; mais nous ne connaissons pas le nom d'un seul écrivain de l'ancienne Rome, qui ait consacré sa plume à célébrer les faits et gestes des illustres courtisanes romaines. C'est à peine si les auteurs latins nous ont conservé le nom d'une de ces courtisanes, celui de la charmante Cythéris, qui rivalisait avec les grandes courtisanes grecques, et qui fut aimée par Jules César, en même temps qu'admirée par Cicéron.

Les Romains avaient-ils plus de décence et de moralité que les Grecs ? P.Pierrugues, dans la préface de son Glossarium eroticum, rapporte que, dès l'origine, les Romains, en parlant et en écrivant sur des sujets érotiques, ne s'effarouchaient pas de la nudité des expressions ; mais les philosophes, les médecins et les poètes, par habitude de savoir-vivre et par respect pour l'innocence inventèrent le langage métaphorique.

Le peuple ne garda pas moins sa langue grossière, que Martial qualifiait ainsi : latinè loqui, « le parler latin ». Lucilius, Catulle et Martial employaient sans cesse cette langue dans leurs poésies libertines ; mais Ovide, Horace, Tibulle, Properce et quelques autres poètes, plus pudibonds, n'en faisaient usage qu'avec beaucoup de réserve. Il faut chercher une troisième langue, plus franche et plus hardie, dans Plaute, Perse, Juvénal, Pétrone, Sénèque, même dans Tertullien et saint Augustin, qui avaient a flageller toits les vices déshonnêtes de leur temps.

C'est donc aux poètes latins que nous avons demandé des détails sur ces courtisanes romaines, qui n'avaient aucun rapport avec les prostibules et les bonnes mérétrices ; mais qui vivaient peut-être des produits de la galanterie et qui offraient peut-être une certaine analogie avec les femmes entretenues des temps modernes. Elles n'étaient pas même comprises dans la classe des famosae et des preciosae, ces fameuses, que le peuple de Rome devait connaître, sans savoir leurs noms, pour les avoir vues souvent se promener en char dans la Voie Sacrée, et se montrer, splendidement et impudiquement habillées, aux plus belles places du théâtre et de l'amphithéâtre ; ces précieuses, dont on citait à demi-voix, parmi la foule, le tarif exorbitant de leurs charmes et la hausse progressive de cette marchandise galante.

Celles de ces courtisanes qui se rapprochaient le plus, par leur genre de vie décente et par leurs intéressantes qualités personnelles, des courtisanes de l'ancienne Grèce, que l'antiquité n'a pas craint d'immortaliser, c'étaient sans doute les maîtresses des grands poètes latins, lesquels ne rougissaient pas de chanter leurs amours, parce que ces amours n'étaient point adultère, et que les femmes qui en étaient l'objet se recommandaient d'ailleurs à l'opinion publique par la notoriété poétique de leurs amants, non moins que par leur instruction et leur esprit.

Les véritables courtisanes romaines étaient donc les compagnes bien-aimées, les inspiratrices et les admiratrices des poètes de Rome sous le règne des premiers empereurs. Les philosophes et les rhéteurs romains avaient aussi probablement des maîtresses de la même espèce, mais ils ne les ont pas nommées ni mises en scène dans des ouvrages de philosophie et d'éloquence destinés à une génération de lecteurs plus rigides et plus austères, que ceux qui avaient fait leurs délices des livres grecs, aujourd'hui perdus, qui concernaient les courtisanes de la Grèce.

La débauche romaine, sous les empereurs, fut beaucoup plus effrénée et plus horrible que la débauche grecque, à la belle époque des philosophes et des poètes dramatiques, qui avaient introduit les courtisanes dans l'école et dans le théâtre ; mais, en revanche, les courtisanes aimées et célébrées par les poètes latins restèrent bien loin de l'impudicité des Phrynés et des Laïs, qui avaient pourtant l'honneur de servir de modèles physiques aux peintres et aux sculpteurs, pour des tableaux et des statues de Vénus, à placer dans les temple de la déesse de l'amour.

La Vénus de Cnide avait été faite ainsi par Praxitèle à l'image d'une courtisane qu'il aimait. La courtisan Laïs eut un temple, après sa mort, comme Vénus, dont elle avait desservi le culte aussi consciencieusement que le lui permettait sa profession. Comment était-elle morte, à Corinthe ? Dans l'accomplissement de l'acte vénérien.

« Pour une personne qui s'était vouée au service de Vénus, c'était mourir au lit d'honneur, et en signalant sa fidélité, dit Bayle dans son Dictionnaire historique et critique. C'est comme quand un guerrier est tué dans une bataille. Quelqu'un a dit qu'un empereur devait mourir debout (voy. Suétone, ch. 24), à propos de Vespasien. Mais, selon les principes des payens, il fallait qu'une courtisane, pour mourir glorieusement, fût dans une toute autre posture, et Laïs, en son espèce, fit ce que Vespasien prescrivait aux empereurs. »

Les grandes courtisanes de Rome s'imposèrent plus de retenue, celles-là mêmes qui, à l'exemple de Cythéris, avaient dû écouter les leçons de Jules César. Elles pouvaient prêter le modèle de leurs charmes les plus secrets aux artistes qui avaient à peindre ou à sculpter des déesses et surtout des Vénus : mais ces artistes ne discréditaient pas leurs ouvrages, en avouant que des courtisanes avaient posé devant eux pour des déesses. Athénée mentionne seulement un un artiste romain, nommé Arellius, qui ne peignait que des déesses et qui les représentait toutes sous les traits de ses propres maitresses.

Ce qui était bon en Grèce, deux ou trois siècles auparavant, ne l'était plus à Rome du temps des empereurs : Arellius se discréditait lui-même, en ne respectant ni l'art ni la religion ; mais personne n'eût osé blâmer les poètes élégiaques, lorsqu'ils déifiaient, en vers, leurs maîtresses, qui n'étaient que des courtisanes, lors même que Catulle ou Martial faisait parler à la poésie latine la langue licencieuse de la populace des faubourgs de Rome.

P. L. JACOB, bibliophile.

mardi 26 mai 2009

Jean-Joseph Van Roey


  • Le Grand farceur contenant la fleur des anecdotes : un million de Plaisanteries, de Bêtises et de Calembours, Naïvetés, Traits d'esprits, bons Contes, bon Mots, Bouffonneries, Facéties, etc., etc. : livre curieux et amusant dédié à toux ceux qui veulent rire de bon cœur / par Yor Nav.- Bruxelles (au Petit Louis, 23 rue Saint-Jean) : Van Roy, libraire-éditeur, 1861.- 96 p. : ill. en front. ; 15 cm.

AU LECTEUR

Voici, mon cher lecteur, un autre petit livre qui se présente modestement à vous, comme son aîné (1), avec l'honnête intention de vous distraire et de vous amuser. Il ose se flatter que vous reconnaîtrez en lui l'air de famille, et que, par cette raison, vous voudrez bien l'accueillir avec quelque bienveillance. Je ne crains pas de vous certifier que rien n'a été oublié pour le rendre digne de cet honorable accueil et que vous n'aurez point à vous repentir de vous être montré bienveillant à son égard.

Le volume qui a précédé celui-ci se composait d'un choix des bons mots les plus ingénieux, des plaisanteries les plus agréables, des bouf­fonneries les plus gaies, des anecdotes les plus piquantes qui se trouvaient éparses et comme perdues dans des milliers de volumes et que votre serviteur avait rassemblées de toutes parts avec un soin particulier, pour ne vous offrir que ce qu'il y avait de meilleur et de plus exquis en ce genre. Cet autre volume se compose à peu près de mêmes éléments ; des recherches nou­velles et plus étendues, des excursions pous­sées un peu plus loin et jusque dans le domaine des littératures étrangères, m'ont permis de former un recueil tout aussi complet, tout aussi varié, tout aussi choisi que le premier. Toute­fois, pour lui donner, avec la ressemblance d'origine, une physionomie qui lui fût exclusi­vement propre, j'y ai fait entrer quelques pièces de plus longue haleine et qui joignaient à leur mérite propre celui d'être à peu près inconnues, et, en matière d'anecdotes ou de plaisanteries, vous.conviendrez que c'est quelque chose que de savoir être neuf.

Lisez donc avec confiance ce nouveau petit volume, mon cher lecteur, et s'il vous parait, comme je l'espère, intéressant et joyeux, atten­dez-vous que, par reconnaissance de vos bons procédés, je vous donnerai encore, d'ici à quelque temps, une nouvelle preuve du soin que je mets et que je veux toujours mettre à me rendre digne de votre bienveillance, en vous procurant l'occasion d'occuper agréablement votre esprit et vos loisirs.

L'AUTEUR.

(1) Le philosophe moderne, 1 vol. in-18, à 50 centimes.



Beaucoup de personnes nous ont demandé si M. YOR NAV, auteur du Philospohe moderne, du Grand Farceur, de l'Homme d'Esprit, ami de la gaieté et du Calembourdier, était Belge, Français, Anglais ou Américain ; nous avons communiqué cette demande à cet auteur qui vient de nous adresser sa réponse dans une langue que nous ne comprenons pas plus que tous les interprètes auxquels nous avons eu recours ; nous sommes donc forcés de la donner textuellement, espé­rant que les amateurs des productions de notre auteur seront plus heureux que nous, et déchiffreront sa lettre, dont nous demandons la traduction. La voici :

« Realreb, 19 erbrnecêd 1853.

« Ej sius én à Realreb, ecnivorp Srevn'd, notnac ed Erreil ; nom erèp taité norrahc ed nos taté ; ia'j tiaf sem seduté à elocé'l ed M. Yapmor Nav, leuqua ej siod puocuaeb ed stnemîcremer roup ses sétnob à nom dragé. »

YOR NAV.

dimanche 24 mai 2009

Jean-Joseph Van Roey


  • Le Plaisant ou Art d'amuser et de faire rire toute une société par la lecture, livre extrêmement curieux donnant un calembour à chaque ligne, dédié à tous les amis de la gaieté / par Yor Nav.- Bruxelles (7, rue de Middeleer) : Van Roy, libraire-éditeur, 1854.- 96 p. : ill. en front. ; 15 cm.

vendredi 22 mai 2009

Colette Baudet


  • Grandeur et misères d'un éditeur belge : Henry Kistemaeckers, 1851-1934 / Colette Baudet.- Bruxelles (342 rue Royale) : Editions Labor, 1986.- 277 p. : ill., couv. ill. en coul. ; 22 cm.- (Archives du Futur).
    • ISBN 2-8040-0146-6.

mercredi 20 mai 2009

André Baillon (1875-1932)


  • En sabots / André Baillon ; préface de Franz Hellens, [illustrations de Jean Donnay].- Liège : Les Lettres belges, 1959.- 311 p. : ill. ; 20 cm.
    • Cette édition a été composé en caractères Egmont corps 12 et tirée sur papier crème Original Renage's Mill, à 2200 exemplaires numérotés à la presse, savoir : 2100 exemplaires numérotés de 1 à 2100 ; 50 exemplaires destinés au service de presse, marqués S.P. et numérotés de 1 à 50 ; 50 exemplaires hors commerce, marqués H.C. et numérotés de 1 à 50 ; les illustrations sont de Jean Donnay. L'impression a été effectuée sur les presses de l'Association Intercommunale de Mécanographie, à Liège ; elle a été achevée le dix mars 1959. Exemplaire numéro 0278.
    • Les éditeurs remercient la Bibliothèque royale de Belgique qui, bénéficiaire des droits cédés par les légataires d'André Baillon, leur a donné l'autorisation de reproduire "En Sabots".

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PRÉFACE

Cette réédition s'imposait. En Sabots, le premier ouvrage d'André Baillon, est sans doute le meilleur, le plus franc et le plus frais de son œuvre. Il vient directement de la source. Et déjà l'écrivain y donne toute sa mesure. Dire qu'il ne fera par la suite que se répéter serait inexact, injuste ; mais il n'ajoutera rien d'essentiel, ni à sa pensée, ni à son style.

Puisqu'il ne s'agit ici que de ce premier livre (dont la première édition portait le titre beaucoup plus caractéristique de Moi quelque part... où, dit Baillon, « des esprits singuliers ont flairé une imper­tinence »), occupons-nous un instant de ce livre dont le titre nouveau « fruste, rustique, évoque assez bien quelque chose où l'on est à l'aise ». Ne considérons Baillon que sous ce premier angle, où son propos se réduit à se peindre tel qu'il est en un film très détaillé qui le montre vivant dans son milieu fami­lier, dont il va nous présenter en images successives tous les éléments, matériels, figuratifs, aussi bien qu'abstraits. C'est dire déjà qu'on trouve dans cet
ouvrage, avant tout descriptif, assez d'imagination poétique pour contrebalancer un naturalisme qui prend volontiers le dessus.

Le premier ouvrage d'André Baillon naît à une époque où symbolisme et naturalisme se rejoignent, se confondent, et vont se perdre dans l'océan de l'ère littéraire nouvelle. Edité avant la première guerre qui fut à la fois le tombeau et le berceau de tant d'écoles, il reparaît en 1922, et déjà on peut en classer la manière et l'esprit. Ni la manière ni l'esprit d'En Sabots et des œuvres qui suivront ne parti­cipent au renouveau de l'après-guerre où vont se dessiner des courants divers ; et pourtant, au milieu même du renouvellement plein d'indications nou­velles, le style et la vision de l'auteur s'imposent. C'est parce qu'André Baillon se manifeste dans ses livres comme un caractère pur, ignorant des influences scolaires. Sa vision des choses est directe, part de lui-même, sans arrêt dans ce qu'on a nommé dédaigneusement : la littérature.

Nous avons dit : En Sabots est un livre qui se déroule sous les yeux du lecteur comme un film. Je ne pense pas que la comparaison soit exagérée ; je suis même certain qu'on ne saurait considérer ce livre sous un autre angle : une suite ininterrompue d'images, non point photographiques, mais poéti­ques, puisées sans intermédiaire dans la nature même du sujet, mais arrangées, relevées, colorées, par un esprit primesautier, narquois ; ce qui rend ces images d'extraction naturaliste si précieuses et évocatrices aux yeux supervoyants du lecteur d'élite.

Il s'agit donc ici de peintures ou plus précisément de gravures rehaussées des tons prestigieux de la poésie la plus naturelle. L'abstraction ne s'avère dans le livre de Baillon que par des tours de phrase et d'esprit, et non par des bonds insensés dans un espace sans dimensions ni couleurs ; par une série de petites révélations figurées et non par d'ingénieux assemblages de mots dont on cherche avec peine le sens.

Que nous offre ce livre d'images, dans quel sens s'oriente cette cinématographie poétique ? Cela revient à cette question : quel est l'ordre de l'artiste et du conteur ? En quoi consiste son procédé et comment sa vision de l'homme et de la nature s'impose-t-elle au lecteur ?

Cet ordre est simple. Puisqu'il s'agit bien d'un film, dans le sens que nous avons indiqué, Baillon fait défiler dans sa suite logique le tableau mouvant de sa personne au centre du cadre dont il décompose les éléments. La personne du conteur d'abord : ce moi, quelque part, s'inscrit au frontispice. D'abord tel qu'il se présentait quand il n'était qu'« un Monsieur de la ville ». Ensuite tel qu'il se montre en sabots, les « genoux trop gros. Des pieds de timide qui s'appuient sur le bord et tournent un peu vers l'intérieur ». Mais on s'apercevra que ce timide au physique ne l'est pas du tout au spi­rituel. Ce sera quand se mettront à passer les multiples tableautins de sa campagne, du village de Westmalle, de la bruyère campinoise, de la maison, des voisins, du chien Spitz, des poules, chats et autres bêtes, de simples passants, des trappistes, et enfin et de nouveau, à travers ces images et ces « gags », de ce Moi, je... Car, faut-il le dire, le per­sonnage de l'auteur domine le paysage avec ses hommes et ses bêtes, de toute la hauteur de sa double représentation matérielle et spirituelle. Baillon est de tout et de tous. On le devine, on le sent, derrière tous les buissons et jusque dans l'ombre même des créatures et des choses qu'il nous montre. Modestement, du reste. La dernière phrase du livre, qui résume tout ce qui précède, l'indique : « Un ciel immense à couvrir toute la toile : en dessous, des bruyères, des bois, des mares, un petit couvent, de petits trappistes, de petits paysans et, là-dedans, pas plus grand que les autres, moi... quelque part ».

Pas plus grand que les autres, soit, mais plus vaste.

De quoi est fait ce style buriné qu'est celui d'André Baillon ? Car il n'a que peu à tenir des autres. Tout écrivain a son ou ses devanciers. Il n'est pas douteux que l'écriture de Baillon trahit des sympathies pour celle d'un Jules Renard, par exemple. Il possède aussi les brièvetés d'un Paul-Louis Courrier sans souffrir de ses longueurs. Des affinités électives aussi avec Neel Doff, sans le naturalisme exclusif de celle-ci. Vite, Baillon se fixe, rien que lui-même.

On imagine Baillon, dans la peau et le costume d'un graveur flamand, d'esprit espiègle, et d'un siècle passé, non périmé. Il manie la plume comme l'outil et s'amuse à faire aussi vrai que possible le détail caractéristique que son œil aperçoit, tout en le transformant dans une foule de petits traits ori­ginaux qui appartiennent à son esprit secret comme à sa sensibilité la plus reculée. Voyez comme il parle, avec la plume, de la bruyère « En automne, elle porte sa robe foncée de bure ; au printemps, elle y pique un peu de vert. Pour l'été, elle se pare, et sous ses millions de fleurs, un matin, la voilà rose. On la voudrait toujours ainsi ; mais trop grave, ses
fleurs sont encore là, qu'elle repense déjà à sa bure ». Évoquant le couvent des Trappistes, un élément sonore s'ajoute à la couleur du peintre : « Jusqu'au fond des bois, sa cloche vient vous tirer par l'oreille. Autrefois, le couvent était vieux. Le vent entrait à la chapelle souffler les cierges, sous le nez du bon Dieu ; au réfectoire, des grenouilles nageaient vivantes dans les cruches des Pères... mais on se sentait citez des Trappistes. »

La maison de l'auteur est décrite avec amour. Devant l'âtre qu'il dessine de la pointe du burin, on pense à l'étonnante et minutieuse description de cette cheminée qui faisait de l'habitation de Melville une sorte d'énigme en briques et ciment. Mais la maison de Baillon est tout ouverte. L'énigme est dans le talent de l'écrivain qui nous la décrit : « Elle est trop simple pour vivre sur le bord de la route. Un bout de champ lui suffit... Elle se tient là, modeste, avec ses volets qui sont des paupières, et des tuiles, qui lui font un joli bonnet enrubanné de mousse. Elle ne porte pas de chaume : le chaume ici est la coiffure pour villas de millionnaires. »

Il y a aussi du Vermeer chez Baillon, quand l'outil de l'aquafortiste ne suffit plus à l'écrivain tenté par les miracles de la couleur.

1959 - Franz HELLENS

lundi 18 mai 2009

Honoré de Balzac (1799-1850)

  • Contes bruns / H. de Balzac ; préface et notes de Marcel Bouteron.- Paris (51, rue de Babylone) : André Delpeuch, 1927.- 164 p.- 1 f. de pl. : ill. ; 17,5 cm.- (Pages retrouvées).
    • Il a été tiré à part 100 exemplaires sur Vergé d'Arches numérotés de 1 à 100 ayant en frontispice la reproduction de la couverture de l'édition originale des CONTES BRUNS. [Exemplaire à toutes marges (17 x 26 cm.) n°] 63.



PRÉFACE

En février 1832, deux éditeurs parisiens, Urbain Canel (rue du Bac, n° 104) et Adol­phe Guyot (place du Louvre, n° 18) mirent en vente un volume in-octavo intitulé :

CONTES BRUNS
PAR UNE

Et au-dessous de ce titre, en guise de nom d'auteur, se voyait une vignette haute de huit centimètres et large de sept, représentant... une tête à l'envers. Cela devait se lire : Contes Bruns, par une tête à l'envers.

Cette vignette dessinée par Tony Johannot et gravée par Thompson, figurait une tête renversée, sans cou, aux longs cheveux hé­rissés, aux sourcils en bataille. Sa face, au menton carré, longue, osseuse, ridée, plan­tée en son milieu d'un fort nez de satyre, se détachait sur un fond noir et présentait au lecteur deux yeux ronds aux prunelles louches. Et sous le nez, solidement charpenté, deux lèvres sinueuses relevées en demi-cercle découvraient par leur sourire satanique six fortes dents larges et blanches.

Cette tête à l'envers abritait sous son crâne bossué aux cheveux hirsutes, les espérances de trois jeunes auteurs : Honoré de Balzac. Philarète Chasles, Charles Rabou.

Imprimés par Everat, imprimeur, rue du Cadran, n° 16, les Contes bruns formaient un volume de 398 pages d'une claire typo­graphie, ainsi composé :

Une conversation entre onze heures et minuit.... [pages :] 3- 96
L'œil sans paupière................................................................... 97-136
Sara la danseuse....................................................... ............... 137-158
Une bonne fortune................................................................... 150-204
Tobias Guarnerius................................................................... 205-244
La fosse de l'avare................................................................... 245-264
Les trois sœurs........................................................................ 265-286
Les regrets............................................................................... 287-346
Le ministère public................................................................. 347-322
Le grand d'Espagne................................................................ 373- 398

Dans cet ensemble, la part de Balzac était de 122 pages : Une conversation entre onze heures et minuit (96 pages), Le Grand g d'Espagne (26 pages).

Depuis lors, ces cent vingt-deux pages bal­zaciennes connurent plus d'un avatar et fu­rent pillées par Balzac, lui-même, sans ver­gogne, à plusieurs reprises, au profit d'au­tres ouvrages, de 1832 à 1844.

Il les utilisa, soit en entier, soit par frag­ments ; il les découpa, les réajusta, les replaça en maintes occasions que, nous allons énumé­rer.

Le Grand d'Espagne, récit indivisible, fut toujours utilisé par Balzac en son entier, mais il n'en fut pas de même pour la Conversa­tion qui, formée de 12 récits distincts, se prêtait admirablement au morcellement. Ces 12 récits ne portaient originairement aucun titre individuel ; deux en reçurent un dans la suite, de Balzac lui-même ; nous avons donné aux autres, entre-crochets, un titre factice pour la commodité de notre exposé.

................................................................ Pages des Contes ..... Pages de la
................................................................ Bruns (1832) ............ présente édition

[Histoire du capitaine Bianchi] ............... 9-15........................ 25-34
Histoire du chevalier de Beauvoir...........17-28....................... 35-48
[L'avortement].......................................... 30-39..................... 49-57
La maîtresse de notre colonel................. 39-52...................... 58-73
[Ecce homo].............................................. 54-57....................... 74-78
[Le tic du mort]........................................ 59-61....................... 79-81
[Le père du réfractaire].......................... 62-66....................... 82-87
[Le gilet rouge]......................................... 67-7o........................ 88-91
[Le président Vigneron].......................... 71-72....................... 92-94
[La femme du médecin].......................... 72-74....................... 95-98
[Le bol de punch]..................................... 74-8o....................... 99-1o5
[Le général Rusca]................................... 81-95...................... 1o6-121

C'est à l'année 1834 que remonte le pre­mier emprunt de Balzac à ses récits des Contes bruns. En mars, il y prélève pour le publier, après lui avoir donné un titre : La maîtresse de notre colonel, qui paraît dans le n°10 du Napoléon.

En février 1837, Balzac publie le 3e volume des Scènes de la vie de province (Etudes de mœurs, tome VII). Il a besoin de copie pour corser la première nouvelle du volume : La Grande Bretèche ou les trois vengeances. Il puise de nouveau dans le réservoir des Contes bruns et insère à la suite de la Grande Bretèche, mais sans titres individuels (p. 21-­31) l'Histoire du Chevalier de Beauvoir et (p. 35-51) le Grand d'Espagne.

En 1839, réédition chez Charpentier de cette même Grande Bretèche, avec même complément des deux mêmes Contes bruns.

En 1842, récidive pour la Maîtresse de notre Colonel qui, titre supprimé, va étoffer Autre étude de femme, dans le tome II de la Comédie humaine.

En 1843, l'Histoire du Chevalier de Beau­voir et le Grand d'Espagne (toujours accolés à la Grande Bretèche) viennent encore prêter main-forte à l'auteur, en peine de copie. Balzac les enclave dans Dinah Piédefer, première version de la Muse du département, publiée en feuilleton par le Messager des 3o mars et 1er avril. Très scrupuleux, le directeur du Messager indique ces enclaves : « M. de Balzac a cru devoir nous prévenir que l'Histoire du chevalier de Beauvoir et la suivante (Un grand d'Espagne) avaient été publiées déjà dans les Contes Bruns et il voulait les rappeler par une courte analyse ; mais le peu de longueur de ces deux citations nous a engagés à les laisser subsister en entier. »

Mais Balzac, ou le directeur, se gardent bien de faire aucune allusion à l'édition de ces deux histoires, en 1837, dans les Scènes de la Vie de province, t. III, et à leur réédi­tion en 1839 !

L'Histoire du Chevalier de Beauvoir et le Grand d'Espagne (après suppression des titres individuels) suivent le sort de Dinah Piédefer devenue définitivement la Muse du département, et abandonnant leur ancienne compagne la Grande Bretèche, entrent chez les éditeurs Furne, Dubochet et Cie, Hetzel, pour paraître le 13 mai 1843 dans la 51e li­vraison de la Comédie humaine (tome VI). Ils suivent également la Muse, lorsqu'elle pa­rait chez l'éditeur Souverain le 4 novembre 1843, dans la collection : Les Mystères de province, mais s'adjoignent de nouveau, pour la circonstance, le récit de la Grande Bretèche.

Enfin, en 1844, dernier emprunt de Balzac aux Contes bruns pour compléter le 3e et dernier volume de Splendeurs et misères des Courtisanes, mis en vente par l'éditeur de Potter, le 23 novembre. Soixante-dix-sept pages in-8° manquaient à Balzac pour termi­ner ce 3e volume, il les prend sans sourciller dans Une Conversation entre onze heures et minuit qui lui en offrait soixante-dix-neuf . Il y a deux pages de trop ; pour avoir le compte juste, Balzac laissa de côté les deux pages d'un petit récit [la Femme du Médecin] et intitula son emprunt : Échantillon de cause­rie française.

Ainsi finit l'histoire des Contes bruns parus pour la première fois, ensemble, en 1832, mais, aussitôt après, disloqués par leur auteur, et republiés, morceau par morceau, de 1832 à 1844, histoire compliquée dont le tableau ci-dessous permettra au lecteur d'avoir sous les yeux l'exact et bref résumé :


Si les éditions courantes de Balzac offrent aux lecteurs une lecture commode de l'His­toire du Chevalier de Beauvoir, du Grand d'Espagne et de la Maîtresse de notre Colo­nel, reproduits respectivement dans la Muse du Département et dans Autre étude de femme, il n'en est pas ainsi des autres fragments composant les Contes bruns, no­tamment de l'Histoire du Capitaine Bianchi, des petits récits qui composent avec elle l'ensemble d'Une Conversation entre onze heures et minuit. Ces fragments ne se trou­vent, en effet, que dans le tome III de Splen­deurs et misères des Courtisanes, édition de 1844, ancienne et rare, ou au tome XX des Œuvres complètes (édition Calmann-Lévy, in-8°), dont la grosseur rend le maniement peu commode. Encore n'y trouverait-on pas le petit récit consacré à « la femme du méde­cin » qui, depuis 1832, avait seul échappé à la mise en coupe réglée des Contes bruns. Balzac avait bien annoncé, dans son roman des Marana, l'intention de republier Une Conversation en tête d'une nouvelle édition des Scènes de la Vie parisienne, il désira, plus tard, la faire repasser en tête d'une nouvelle édition des Scènes de la Vie politique, mais la mort l'empêcha d'exécuter ses projets.

Le directeur des Pages retrouvées, M. Hen­ry Frichet, a donc fort bien agi, en donnant à ses lecteurs la possibilité de lire en un petit livre maniable et accessible, dans l'ordre même de l'édition originale, mais en utili­sant, sauf indication contraire, la dernière version adoptée par leur auteur, ces récits dispersés dès leur naissance et réunis ici, pour la première fois depuis bientôt un siècle, après de multiples tribulations. Et le balza­cien, curieux des principales variantes du texte, lira sans doute avec plaisir les notes finales de notre volume.

MARCEL BOUTERON.


samedi 16 mai 2009

Jacques Duprilot


  • Gay et Doucé éditeurs sous le manteau : 1877-1882 / Jacques Duprilot.- Paris (58, rue Amelot, 11e) : Editions Astarté, MCMXCVII [1998].- 207 p. : ill., couv. ill.
    • ISBN 2-909607-14-3. L'édition originale de cet ouvrage est un tirage limité constitué de 100 exemplaires numérotés de 1 à 100, chacun étant accompagné du fac-simile d'un catalogue clandestin de la firme Gay et Doucé et 400 exemplaires numérotés de 101 à 500. Cet exemplaire porte le numéro 202.

jeudi 14 mai 2009

Pigault-Lebrun (1753-1835)


  • Le Citateur / par Pigault-Lebrun.- Bruxelles : Gay et Doucé, Libraires-éditeurs, 1879.- 213 p. ; 19,5 cm.- (Bibliothèque verte ; 1).
    • [Exemplaire sur vergé de Hollande Van Gelder] n°125.

AVIS DES ÉDITEURS

Voulant modifier le ton criard qu'offre l'impression en encre noire sur papier blanc, après avoir étudiés les diverses impressions faites sur papiers nuancés et celles en encre de couleurs, nous avons reconnu que l'encre verte foncée était préférable à toute autre.

Nous publions donc le présent livre en encre verte, et s'il reçoit un bon accueil du public lettré, comme nous l'espérons, nous nous proposons de le faire suivre par une série d'ouvrages curieux.

G. D.


AVANT-PROPOS

Guillaume Charles Antoine Pigault-Lebrun, romancier fécond et auteur dramatique, naquit à Calais, en 1753, et mourut près de Paris en 1835. Les romans de ce littérateur sont écrits parfois en diffus et un style impossible, mais ils ont pour eux le mérite d'être fort animés et emprunts d'un esprit très-libéral.

Plusieurs romans de Pigault-Lebrun ont eu l'honneur d'être poursuivis, ce qui contribua beaucoup à le mettre à la mode.

Pigault-Lebrun eut pour imitateurs Paul de Kock et Honoré de Balzac ; ces deux féconds auteurs produisirent des romans tout aussi diffus que leur devancier, et jouirent durant leur vie d'une grande vogue, mais ils sont loin d'avoir le cachet satirique qui anime les œuvres du premier.

Le Citateur parut à Paris, sous la rubrique de Hambourg, en 1811, en 2 vol. in-12 ; il fut souvent réimprimé depuis, mais il est toujours resté rare, car il a été de tout temps détruit avec soin par les gens du parti religieux.

En 1811, Napoléon Ier, rendu furieux par un bref agressif du pape, fit publier et répandre à 100.000 exemplaires, dans le public, cette compilation satirique. Depuis, la politique impériale ayant fait des concessions au clergé, à la suite du concordat, ce livre fut sévèrement prohibé et condamné en France.

J. J. G.

mardi 12 mai 2009

Emmanuel Berl (1892-1976)


  • Méditation sur un amour défunt / par Emmanuel Berl.- Paris (61, rue des Saints-pères) : Bernard Grasset, 1925.- 218 p. ; 18,5 cm.- (Les Cahiers verts ; 58).
    • Ce cinquante-huitième cahier, le onzième de l'année mil neuf cent vingt-cinq, a été tiré à six mille cent quatre-vingt-dix exemplaires, dont quarante exemplaires sur papier vert lumière numérotés de I à XL ; cent exemplaires sur vélin pur fil Lafuma numérotés de XLI à CXL ; et six mille cinquante exemplaires sur papier vergé bouffant numérotés de 141 à 6190 ; plus dix exemplaires sur vélin pur fil crème Lafuma numérotés de H.C. 1 à H.C. 10. ; Et cinq cents exemplaires de presse, numérotés : Exemplaire de presse 1 à 500. Exceptionnellement il a été tiré dix exemplaires sur papier japon français numérotés de 1 à 10 et trente exemplaire sur Hollande numérotés Hollande 1 à 1. Exemplaire n°979.

dimanche 10 mai 2009

Emmanuel Berl (1892-1976)


  • La France irréelle / par Emmanuel Berl.- Paris : chez Bernard Grasset, MCMLVII [1957].- 217 p. ; 18,5 cm.- (Les Cahiers verts. Nouvelle série ; 43)
    • Il a été tiré de cet ouvrage, le quarante-troisième de la nouvelle série des Cahiers verts, mille sept cent soixante-quatre exemplaires, à savoir : cinquante-deux exemplaires sur vergé de Montval numérotés Montval 1 à 40 et Montval I à XII ; cent soixante-deux exemplaires sur vélin pur fil Lafuma numérotés Vélin pur fil 1 à 150 et Vélin pur fil I à XII et mille trois cent cinquante exemplaires sur Alfa mousse des papeteries Navarre numérotés Alfa 1 à 1350, plus deux cents exemplaires sur Alfa mousse hors commerce réservés à la presse, numérotés S.P. 1 à S.P. 200. L'ensemble de ces tirages constituant l'édition originale. [Exemplaire sur] Alfa [n°] 231

vendredi 8 mai 2009

Georges Rozet (1871-1962)


  • Les Opinions gourmandes de M. Jérôme Coignard : variations à la manière d'Anatole France sur La Rôtisserie de la Reine Pédauque / Georges Rozet ; illustrations d'Auguste Leroux.- [Paris : Impr. E. Baudelot et Cie, 1937].- 15 p. + 1 carton : ill. en noir et en coul. ; 27,5 cm.
    • Sa majesté La Reine Pédauque assistée de son Conseiller culinaire le Maître Prosper Montagné, en sa rôtisserie du n°6 de la rue de la Pépinière, à Paris, a l'honneur de vous présenter la plaquette que voici dont le texte a été écrit, à la manière d'Anatole France, par Georges Rozet et imprimé par E. Baudelot avec des dessins spécialement exécutés pour elle par le Maître Auguste Leroux qui, naguère, illustra la célèbre édition, par Édouard Pelletan, de "La Rôtisserie de la Reine Pédauque" chef-d'œuvre de la bibliophilie moderne. Ces dessins ont été gravés sur bois par Georges Blondeau. La Reine Pédauque espère que vous accueillerez avec quelque faveur et que vous conserverez dans votre bibliothèque cette plaquette qu'elle est heureuse de vous offrir en remerciement de la confiance gastronomique que vous avez bien voulu lui témoigner ou que vous lui témoignerez un jour prochain.



mercredi 6 mai 2009

Emmanuel Berl (1892-1976)


  • Les Deux Sources de l'Art occidental / Emmanuel Berl.- Genève : P. Cailler, 1946.- 62 p.-X f. de pl. ; 19 cm.- (Beaux textes, textes rares, textes inédits ; 8).
    • Ce livre, le huitième de la collection "Beaux textes, textes rares, textes inédits", a été tiré à 3000 exemplaires sur papier chamois vélin apprêté, numérotés de 1 à 3000, à 100 exemplaires de chapelle sur papier chamois vélin apprêté, numérotés CH I à CH 100, à 20 exemplaires sur papier crème antique à la cuve, sans bois, numérotés de I à XX et à 80 exemplaires sur papier "swiss thick", sans bois, vergé crème, numérotés de XXI à C. [Exemplaire] n°767.

lundi 4 mai 2009

Claude Paulus


  • Essai sur La Boëtie / par Claude Paulus.- Bruxelles (36, rue Neuve) : Office de Publicité, 1949.- 83 p.-1 f. de pl. en front. ; 19,5 cm.- (Coll. Lebègue. 9ème série ; 96).

samedi 2 mai 2009

Montesquieu (1689-1755)


  • Lettres persanes : Rica à Ibben / Montesquieu.- A Paris : Typographie Pierre Gaudin, 1959.- [8] p. : ill. en front. ; 20,5 cm.
    • Cette lettre, la CXXXVIII des Lettres persanes, conforme à l'édition parue en 1721 chez Pierre Marteau, à Cologne, a été par mes soins illustrée d'un cuivre original tiré sur les presses à bras de Manuel Robbe. L'ouvrage a été composé à la main en caractères Garamont corps dix, et tiré sur vergé Ingres d'Arches. Achevé d'imprimer à Paris, le 14 décembre 1959. Cette édition, réservées aux amis de Camille Renault, comporte cent exemplaires numérotés tous hors commerce. Exemplaire n°47.