samedi 31 mai 2008

Les romans de la Table Ronde (1)


  • Les Romans de la Table Ronde. 1 / nouvellement rédigés par Jacques Boulenger ; préface de Joseph Bédier, de l'Académie française.- Paris : Club français du Livre, 1948.- 252 p. ; 21 cm.- (Classiques ; 6).
    • 1. Merlin l'Enchanteur ; 2. Les Enfances de Lancelot du Lac ; 3. Les Amours de Lancelot du Lac.
    • Cet ouvrage a été achevé d'imprimer le 30 novembre mil neuf cent quarante-sept. Sa présentation à été réalisée d'après les maquettes de Jacques Brailes. Ce volume a été composé en Cheltenham corps dix, tiré sur les presses de F. Bouchy, à Paris, sur velin blanc Featherweight et relié par Engel à Malakoff. Cette édition en tirage limité hors commerce est réservée exclusivement aux membres du Club français du Livre. Elle comprend vingt-six exemplaires marqués A à Z, cent exemplaires numérotés de I à C destinés aux animateurs du club, et deux mille huit cent soixante seize exemplaires numérotés de 1 à 2876. Exemplaire n°1861.

PRÉFACE

Dès son apparition aux alentours de l'an 1225, le roman en prose de Lancelot du Lac fut regardé comme le Miroir de toute che­valerie, comme la Somme de toute courtoisie, comme le Roman des romans. Les plus belles fictions dit cycle de la Table Ronde, déjà contées au douzième siècle par tant de poètes dispersés, s'y trouvaient rassemblées en un seul corps d'ouvrage, et la légende souveraine du saint Graal, entrelacée à ces innombrables légendes de féerie et d'amour, les dominait, les enveloppait toutes de sa splen­deur. Aussi ce grand livre, continûment admiré, ne cessa-t-il, durant des siècles, d'enchanter les coeurs. Pour le maintenir en vogue, des remanieurs, de temps à autre, le récrivaient : il en circulait au quinzième siècle plusieurs versions rajeunies.

Vint la Renaissance. On le lisait encore, à telles en­seignes que les presses parisiennes s'empressèrent, dès 1488, d'en publier, en trois tomes in-folio, un renouvelle­ment que, dans les cinquante années qui suivirent, il fallut jusqu'à cinq fois réimprimer. Or, au milieu du siècle, aux jours où se formait la Pléiade, il put sembler un instant que ce vieux Doctrinal de prouesse et d'honneur, si for­tuné jusqu'alors, allait connaître une fortune nouvelle, plus haute encore.

Car, aux pages de la Défense et illustration de la langue française, où Joachim Du Bellay appelle de ses vœux le Poète futur et lui trace son programme, il lui recommande par-dessus tout de se faire l'émule de l'Arioste et lui dit : « Comme Arioste donc, qui a bien voulu emprunter de nostre langue les noms et l'histoire de son poème, choisy moy quelqu'un de ces beaux vieulx
romans françoys, comme un Lancelot, un Tristan, ou autres, et en fay renaître au monde une admirable Iliade et laborieuse Énéide. »

Ainsi Du Bellay et Ronsard, qu'on se représente à tort comme tout Grecs et tout Latins, ont commencé par recevoir des vieux romanciers de France des inspirations et des leçons. Ainsi Lancelot et la reine Guenièvre, Viviane, Perceval, Galaad ont hanté les bords du petit Liré et du Loir gaulois. Ainsi à l'âge des longs espoirs et des vastes pensers, l'Angevin et le Vendômois, ces artistes ardents et lucides, si pleinement conscients de leur mission de rénovateurs, ne concevaient pas de tâche plus noble que d'animer d'une vie nouvelle nos antiques légendes : « Choisy moi quelqu'un de ces beaux vieulx romans françoys, comme un Lancelot... »

Hélas ! on ne le sait que trop, le conseil ne fut pas suivi. Pour des raisons multiples, les unes accidentelles et les autres profondes, la Pléiade se fraya d'autres voies. « On vit renaître Hector, Andromaque, Ilion, » mais non pas les chevaliers d'Arthur, et la forêt de Brocéliande se dessécha. Vers la fin du siècle, en 1591, le soin de renou­veler une fois encore le Lancelot fut abandonné à quelque commis de librairie, qui le résuma outrageusement en un seul tome, de 166 pages in-8. Alors ce fut la fin : ce roman tomba du décri dans l'oubli. De nos jours, hors du cercle étroit des érudits, quel lettré l'a jamais lu ? Les noms mêmes des héros qu'il met en scène ne sont plus que des grelots vides. Nous ne connaissons plus que par un vers de Dante Galehaut, seigneur des Iles Lointaines, — et Perceval, en français d'aujourd'hui, se prononce Parsifal.

*
* *

C'est que le temps a fait son œuvre, dira-t-on, et c'est la loi commune. Sans doute. Encore convient-il de remar­quer que ce livre français, oublié en France, a survécu en Angleterre, en Allemagne, en Italie. Il serait long de suivre en ces divers pays l'histoire de ses destinées. Mais regardons un instant en Angleterre.

En Angleterre vivait, à la veille de la Renaissance, un certain sir Thomas Malory, qui aimait les romans fran­çais. On ne sait rien de lui, sinon qu'il n'était pas un au­teur de métier, mais un petit gentilhomme du comté de Warwick, qui prit part comme combattant à la guerre des Deux-Roses : valens miles, dit son épitaphe, récemment retrouvée. Or ce bon chevalier, épris de notre roman de Lancelot, s'avisa, vers l'an 1470, de le traduire en sa lan­gue, à la libre manière du temps, c'est-à-dire qu'il inséra dans son ouvrage des épisodes empruntés à d'autres modèles français. Le hasard voulut qu'il fût bon écrivain, si bon que sa prose n'a presque pas vieilli. Aussi cette ample composition, la Morte d'Arthur, comme il l'avait intitulée, imprimée d'abord en 1485 par les presses véné­rables de Caxton, maintes fois réimprimée au temps d'Elisabeth et jusqu'en plein dix-septième siècle, et tout au long du dix-neuvième en des éditions sans nombre, demeure-t-elle un livre classique, l'un des joyaux du trésor qui forme en Angleterre le patrimoine spirituel de la nation. Par ce livre, tout Anglais cultivé sait d'enfance les légendes du roi Arthur, de Sir Gawain, de Sir Galaad. C'est de ce livre que Tennyson a tiré les plus belles de ses Idylles du roi, de lui que procèdent les plus précieuses idées poétiques d'un Matthew Arnold et d'un Swinburne, et, dans le domaine de l'art, d'un Burne Jones. Mystérieux pouvoir du goût, d'une langue saine, d'un bon style ! Ce Malory ne fut qu'un traducteur, un adaptateur : sans lui pourtant, dans l'Angleterre d'aujourd'hui, ni la poésie, ni la pensée, ni l'art ne seraient tout à fait ce qu'ils sont.

*
* *

Ne se peut-il pas que le vieil auteur du Lancelot ait trouvé enfin, chez nous aussi, un renouveleur digne de lui et qui représente en quelque mesure à nos yeux cet Arioste français dont rêvait la Pléiade, ce Malory que nous en­vions aux lettres anglaises ? Voici que M. Jacques Bou­lenger s'efforce de le remettre en lumière et en honneur. L'entreprise que le comte de Tressait en 1775, puis Paulin Paris en 1868, ont essayé d'accomplir, il la tente à nou­veau, mieux armé que ses devanciers. Il dispose de la ma­gnifique édition du Lancelot, en sept forts volumes in-4°, qu'a publiée à Washington, de 1909 à 1913, aux frais de la Carnegie Institution, M. H. Oskar Sommer (1). Il dis­pose aussi des commentaires multipliés par de récents érudits, de la très ingénieuse et très profonde Etude de Ferdinand Lot sur le roman de Lancelot (1918), du livre pénétrant d'Albert Pauphilet sur la Queste del saint Graal (1921). A lire son premier volume, celui-ci, on voit d'em­blée, à divers indices, que M. Jacques Boulanger n'a négligé aucune de ces sources d'information, et, en outre, que, s'inspirant surtout de la Vulgate, telle que la présente l'édition Sommer, il a connu par surcroît et exploité à l'occasion d'autres versions des mêmes légendes, le Merlin du manuscrit Huth, le Joseph d'Arimathie de Robert de Borron, les poèmes de Chrétien de Troyes, etc.

Tantôt il transcrit sans plus, tantôt, et plus souvent, il adapte. Ainsi a fait avant lui son maître Jean Moréas, en ses Contes de l'ancienne France. Ainsi ont fait plus récemment, chacun selon son tempérament et selon des formules très diverses, tant d'autres renouveleurs, roman­ciers ou poètes. Voyez le drame de Guillaume d'Orange, de Lionel des Rieux et, sous forme narrative, la Légende de Guillaume d'Orange, de Paul Tuffrau ; — et les Contes de la Vierge, de Jérôme et Jean Tharaud ; — les Amours de Frene et Galeran et la Pucelle à la rose, d'André Mariy, — et le Huon de Bordeaux, d'Alexandre Arnoux : multa renascuntur, au prix de quels efforts ingénieux ! Il faut observer patiemment la manière des vieux maîtres, s'im­prégner de leurs couleurs, de leur esprit, puis, procédant comme ils procédaient eux-mêmes à l'égard de conteurs plus anciens, modeler à nouveau la matière épique ou romanesque, élaguer, transposer, combiner, développer ou réduire ; et parfois c'est créer.

Mais j'en appelle à ces récents écrivains, de qui M. Jacques Boulenger se fait l'émule : tous s'accorderont à l'admirer pour l'ampleur et pour la hardiesse de sa tentative. Songeons que ce volume qu'il nous offre, le premier d'une longue série, ne donne encore que le prologue du drame, rien que, l'allegro de la symphonie ; — que la Vul­gate, dans l'édition Sommer, compte 2 800 pages grand in-quarto ; — qu'il sagit d'abréger cette immense histoire sans l'appauvrir, et surtout d'obtenir du lecteur qu'il se plaise aux méandres des aventures, à leur fourmillement et à leur enchevêtrement. Puis, telle est la singulière et inéluctable condition de l'entreprise que les difficultés croissent pour le narrateur à mesure que progresse la narration. Au début, en effet, ce n'est guère que la féerie légère des contes de Bretagne, « si vrais et si plaisants », ce ne sont que des thèmes aimables et brillants de che­valerie et de courtoisie, ceux-là mêmes où se complaisait l'Arioste :

Le Donne, i Cavalier, l'arme, gli amori, Le cortesie...

Mais peu à peu se multiplient les épisodes qui sont des présages et des préfigurations de la Quête du saint Graal, et mystérieusement toutes les aventures s'acheminent et convergent vers la légende sainte, chargée de symboles et de mystère. Peu à peu les « chevaleries terriennes » s'orientent vers les « chevaleries célestes ». Il faudra que paraisse dans l'action le héros qu'ont annoncé les prophé­ties, le chevalier aux armes couleur de feu, le Promis, le Désiré, Galaad, celui que tous à son approche salueront de la même parole d'accueil : « Sire, bien soiez vos venuz, que molt vos avons desiré a veoir » ; car il vient pour rompre les enchantements, pour mettre fin aux temps aventureux, pour animer les chevaliers d'Arthur à la recherche du saint Graal, qui n'est autre que la recherche de Dieu. Il faudra, en un mot, qu'après les livres courtois et féeriques du début, Merlin et Lancelot, se déroule le livre ascétique et mystique du Graal, puis encore le livre tragique de la Mort d'Arthur, où sera dépeint le Crépus­cule des héros.

Quelle diversité des thèmes et des tons, et que d'obstacles rencontrera le narrateur au Pays de la Merveille, sur la routa qu'il se fraye à travers la forêt âpre et dure !

Ces difficultés, bien faites pour tenter un esprit « rom­pu à toutes les métamorphoses » M. Jacques Boulenger, n'en doutons pas, les a mesurées : il aura aimé sa tâche pour ses risques mêmes. La haute aventure qu'il ose tenter, il saura la mener à bien, s'il est muni d'un talis­man. Lequel ? J'ai lu quelque part, dans un de ses livres, ceci :

« La race se marque dans le style par un certain tour vif, naturel, aisé, attique ou extrêmement français (c'est tout de même), qu'on y a de naissance et qu'on n'acquiert jamais ; par une façon inimitable de couper, d'agencer ses phrases, de choisir ses tournures, ses expressions, ses mots mêmes, de manière que tout ait d'abord un air « de chez nous », populaire ensemble et royal à force d'aisance, un je ne sais quoi de fort mais de léger, de traditionnel et de neuf, de vieux comme notre patrie et de jeune comme elle. » (Jacques Boulenger, ...Mais l'art est difficile !
21 série, p. 12.)

Ces lignes, M. Jacques Boulenger les a écrites visible­ment sans retour sur lui-même et à une heure où il ne pensait pas à nos vieux romanciers. Elles leur conviennent pourtant, et j'ose les appliquer à lui comme à eux.

« Sire, bien soiez vos venez, que molt vos avons desiré à veoir. »

Joseph BÉDIER.

(1) Sous ce titre : The Vulgate version of the Arthurian romances, edited front manuscripts in the British Museum.

vendredi 30 mai 2008

Paul-Jean Toulet (1867-1920) :


  • Béhanzigue : contes / P.-J. Toulet.- Amiens (7, rue Delambre) : Librairie Edgar Malfère, 1921.- 174 p. ; 19 cm.- (Bibliothèque du Hérisson. Œuvres nouvelles).
    • Justification du tirage. Il a été tiré : 25 exemplaires sur Japon, numérotés de 1 à 25 ; 100 exemplaires sur Hollande , numérotés de 26 à 125 ; 375 exemplaires sur Arches, numérotés de 126 à 500 ; 2000 exemplaires ordinaires.
    • NOTE : A la fin de 1920, MM. G. CRÈS et Cie, éditeurs à Paris, ont mis en vente, au prix de vingt-cinq francs le volume, une édition des CONTES DE BÉHANZIGUE imprimée par la maison Kundig de Genève et composée de 775 exemplaires, - dont 750 sur velin anglais, - illustrés par Georges de Traz et numérotés. Cette édition ne contenait ni « Choses de Théâtre », ni « Le Voyage de tendresse. »

jeudi 29 mai 2008

Sidonie Gabrielle Colette (1873-1954)

  • Prisons et paradis / Colette ; bois originaux de Clément Serveau.- Paris (9, rue Antoine-Chantin, 14e) : J. Ferenzci et fils, MCMXXXIX [1939].- 153 p. : ill. ; couv. ill. en coul. ; 20,5 cm.- (Le Livre moderne illustré ; 310).
    • " Le Livre moderne illustré " est tiré sur papier de luxe et imprimé sur les presses de l'Imprimerie Moderne, 177, route de Châtillon, à Montrouge. Le vingt-six janvier mil neuf cent trente-neuf.

mercredi 28 mai 2008

Jean Giraudoux (1882-1944)


  • Aventures de Jérome Bardini / Jean Giraudoux ; bois originaux de Georges Tcherkessof.- Paris (9, rue Antoine-Chantin, 14e) : J. Ferenzci et fils, MCMXXXVII [1937].- 157 p. : ill. ; couv. ill. en coul. ; 20,5 cm.- (Le Livre moderne illustré ; 264?).
    • " Le Livre moderne illustré " est tiré sur papier de luxe et imprimé sur les presses de l'Imprimerie Moderne, 177, route de Châtillon, à Montrouge. Le dix mars mil neuf cent trente sept.

mardi 27 mai 2008

Philippe Hériat (1898-1971)


  • L'araignée du matin : roman / Philippe Hériat ; bois gravés de Antral.- Paris (9, rue Antoine-Chantin, 14e) : J. Ferenzci et fils, MCMXXXV [1935].- 158 p. : ill. en coul ; couv. ill. en coul. ; 20,5 cm.- (Le Livre moderne illustré ; 222).
    • " Le Livre moderne illustré " est tiré sur papier de luxe et imprimé sur les presses de l'Imprimerie Moderne, 177, route de Châtillon, à Montrouge. Le vingt-trois mai mil neuf cent trente-cinq.

lundi 26 mai 2008

Théo Varlet (1878-1936)


  • Aurore Lescure pilote d'astronef : roman / Théo Varlet.- Querqueville (Manche) : L'Amitié par le Livre, 1943.- 187 p. ; 19,5 cm.
    • L'édition originale de Aurore Lescure comprend de 1 à 60 : 60 exemplaires sur pur chiffon de Lana et de 61 à 420 : 360 exemplaires sur bouffant Edita. Exemplaire n°62.

NOTES PRÉLIMINAIRES DE L'ÉDITEUR


Décédé peu avant la guerre, Théo Varlet a laissé quelques manuscrits encore inédits. Nous sommes heureux d'offrir aux nombreux admirateurs du grand romancier français d'anticipation scientifique ce nouveau roman où ils retrouveront l'héroïne de La Grande Panne, ouvrage dont la réédition tirée par nous à 20.000 exemplaires vient de se trouver épuisée.

DE L'AUTEUR

Quelques critiques, ignorant l'état de la question astronau­tique, ont qualifié d' « utopiques impossibles » mes anticipations dans ce domaine.

Tout en réservant pour le romancier d'imagination le droit strict de sortir de la réalité, je tiens à faire observer que des esprits de premier ordre, des savants et des techniciens d'une parfaite compétence, comme M. Robert Esnaut-Pelterie, croient et affirment la possibilité et la réalisation prochaine des voyages interplanétaires :

« Ma conclusion est aujourd'hui que, si l'on pouvait réunir les fonds nécessaires, il est infiniment probable que le voyage de la lune et retour serait effectué avant dix ans. »

(B. Esnault-Pelterie, L'Astronautique, page 225 — Lahure, éditeur, 19, rue de Rennes. 1930).

Sans compter que, depuis la publication de ma Grande Panne (octobre 1930) qui a donné lieu aux critiques susdites, la vulgarisa­tion de la question astronautique a beaucoup progressé. Pas un journal, grand ou petit, pas une revue, qui n'aient publié un ou plusieurs articles sur ce sujet...

dimanche 25 mai 2008

Théodore de Banville (1823-1891)


  • Esquisses parisiennes : scènes de la vie / par Théodore de Banville.- Paris (9, rue des Beaux-Arts) : Poulet-Malassis et De Broise, 1859.- 402 p. ; 19,5 cm.
    • Les Parisiennes de Paris ; Les Noces de Médéric ; Un valet comme on n'en voit pas ; La vie et la mort de Minette ; Sylvanie ; Le festin des Titans ; L'illustre théâtre.

samedi 24 mai 2008

Paul Chack (1876-1945)


  • Sur les bancs de Flandre / Paul Chack ; orné de bois gravés en couleurs de Gustave Alaux.- Paris (11, rue de Sèvres) : Librairie de la Revue française - Alexis Redier éditeur, [1929].- 331 p. en feuilles : ill. ; 20 cm.- (Le Paon blanc ; 3).
    • Ce livre le troisième de la collection «le paon blanc », a été imprimé sur les presses de Coulouma, maître imprimeur à Argenteuil, H. Barthélemy étant directeur, pour le compte de la Librairie de la Revue française, Alexis Redier, éditeur à Paris. Le tirage est limité à 1125 exemplaires, ainsi répartis : 10 exemplaires sur papier impérial Japon, numérotés de I à X, 1090 sur vélin « manufactures royales de Vidalon », numérotés de 1 à 1090, et 25 exemplaires de collaborateurs, numérotés de 1 à 25 H.C. Exemplaire n°....


vendredi 23 mai 2008

Hippolyte de Vivès


  • Les petits livres de la rue de Fleurus : un préjugé par mois.- Paris (42, rue de Fleurus) : [s.n.], 1861.- 36 p. ; 19 cm.
    • N°1 (15 mai 1861) : Etudes sur le christianisme au temps de Saint Grégoire de Tours.
    • Les Petits livres de la rue de Fleurus paraissent le 1er de chaque mois ; ce sont alternativement des causeries de religions et des revues de critique littéraire. Les livraisons traitant de matières théologiques restent donc indépendantes de la chronique et formeront au bout de l'année un joli volume comprenant une série d'études sur les préjugés. Nous avons cru inutile de signer cette revue. Les personnes qui croiraient avoir des réclamations à nous adresser nous trouverons tous les jours dans nos bureaux. Les bureau sont rue de Fleurus, 42 ; ils sont ouverts tous les jours de 3 à 6 heures. Prix de l'abonnement : Paris...... 8 francs ; Départements..... 10 francs.

INTRODUCTION

Pousser violemment le monde dans les voies de la civi­lisation, sans tenir compte des transitions, c'est vouloir compromettre la cause du progrès, c'est du moins l'expo­ser aux réactions toujours malheureuses de l'habitude prise. Notre XIXe siècle a hérité de beaucoup des super­stitions et des barbares préjugés des temps passés ; les gens intelligents n'y croient pas, mais ils les pensent né­cessaires au maintien de l'ordre social, ils s'efforcent même de défendre des idées et des usages qui n'appar­tiennent plus à notre temps et qui sont en désaccord avec l'état actuel de nos sciences ; ils prêtent leur appui et leur force à un système épuisé qui ne saurait vivre sans eux, qui cependant est leur ennemi le plus irréconciliable, et qui est fort contre eux de toute la puissance qu'ils lui donnent.

Il est des préjugés qui sont la propriété des classes in­férieures et des femmes. Ceux-là, nous ne nous en occu­perons pas, mais il en est d'autres qui sont réservés aux classes instruites et intelligentes ; ceux-là sont peu nom­breux, mais ils sont d'autant plus difficiles à détruire qu'ils sont plus enracinés, et qu'ils ont pour appui et pour excuse une certaine instruction. Beaucoup de personnes pensent que le christianisme a eu pour mission de civiliser et de moraliser l'univers, qu'il a supprimé l'esclavage, qu'il a favorisé le développement de l'esprit humain et des scien­ces, et que maintenant encore le catholicisme est le plus ferme soutien de la morale publique. Cependant, si nous voulons étudier l'histoire sans parti pris, une chose nous étonnera, c'est que le monde, au temps d'Auguste, au temps payen, était beaucoup plus moral, beaucoup plus instruit, beaucoup plus éclairé qu'il ne le fut dix siècles plus tard sous la domination chrétienne. Qu'on interroge les lettres, les arts et les sciences, la médecine, l'astro­nomie, la physique, l'histoire et la jurisprudence, on verra qu'il fallut quinze ou seize siècles au christianisme pour remonter au niveau de la civilisation de l'époque de César, et encore lutta-t-il toujours contre cette renaissance, s'ef­força-t-il de l'étouffer dans les bûchers ; mais le progrès triompha ; il dut sa victoire aux révoltes du protestan­tisme.

Quant à l'esclavage, il existait dans l'antiquité grecque et romaine, mais c'était une anomalie de cette société, il n'en était pas une nécessité. Le moyen-âge chrétien chan­gea le mot esclavage en servage, qui signifie exactement la même chose ; mais il doubla le nombre de ces nouveaux esclaves, il empira leur sort au lieu de l'améliorer, il in­venta l'esclavage perpétuel, l'esclavage, sans espoir de ré­demption, l'esclavage de père en fils ; il décréta qu'il est une classe d'individus créés exprès pour servir les riches à perpétuité.

Quant à la distinction subtile qu'on a prétendu faire de l'esclave attaché à la glèbe et de l'esclave condamné au service intérieur, elle n'est pas vraie pour le serf du moyen-âge, qui pouvait être parfaitement employé à soi­gner les écuries, les étables et les maisons particulières, comme nous le prouverons, par de nombreuses citations, dans la deuxième partie de notre étude sur le siècle de Grégoire de Tours.

Quant à la morale, il suffit d'ouvrir une chronique du moyen-âge ou des époques mérovingiennes, carlovin­giennes et capétiennes , pour voir combien la société payenne était supérieure à celle des siècles chrétiens, com­bien elle était plus morale et mieux organisée. On nous ré­pond que le christianisme aurait vaincu la démoralisation romaine (qu'on a d'ailleurs exagérée à plaisir pour les be­soins de la cause), s'il n'avait été entravé par l'invasion des Barbares ; ces Barbares étaient des Germains dont les mœurs, dit Tacite, étaient beaucoup plus pures que celles des Romains. En se mélangeant au monde chrétien, non-seulement ils ne pouvaient pas le corrompre, mais ils de­vaient se laisser civiliser et moraliser par une doctrine dont la mission était de tout purifier. D'ailleurs, admettons l'argument de l'invasion germaine, étudions Grégoire de Tours, ensuite nous tournerons nos regards vers Constan­tinople, vers cet empire d'Orient qui est resté intact, vers l'Italie qui a moins que les Gaules souffert de la conquête, et si, après avoir interrogé Procope et Jornandès, nous constatons la même décadence morale et scientifique, nous serons en droit de demander un compte sévère au catho­licisme de la civilisation du monde ancien, qu'elle a étouffée pendant quinze siècles. D'ailleurs, la doctrine chrétienne se dit d'origine divine, elle ne peut donc, se défendre en invoquant des circonstances de lieu et de temps (ses éter­nels arguments), elle doit être parfaite et invariable — (au moins comme doctrine). Malheureusement pour elle nous aurons à dévoiler bien des variations dans ses dogmes et dans ses préceptes de morale.

Le catholicisme s'est encore vanté d'avoir doté le monde de la belle et grande, législation romaine, mais il oublie que cette législation est tout entière du premier siècle avant Jésus-Christ et du premier et du deuxième de notre ère, que cette législation n'est que le droit prétorien, et que Justinien ne fit que compléter et mettre en ordre des matériaux. Le catholicisme oublie de plus qu'il a beau­coup négligé cette splendide législation pendant quinze cents ans, qu'il l'a même presque proscrite en la remplaçant par différentes lois barbares ou canoniques, lois d'iniquité et d'exception.

Mais pourquoi le paganisme a-t-il succombé ? Pourquoi, s'il était si excellent, a-t-il été vaincu par le christianisme ? La civilisation romaine était arrivée à ce point qu'elle ne pouvait ni avancer ni reculer, elle en était venue à penser plus qu'elle ne savait ; les lettres et les arts étaient en dé­cadence, il est vrai, mais ils pouvaient vivre ainsi long­temps en sommeillant, ils auraient retrouvé un printemps. Cette belle société romaine ne dut sa chute qu'au manque de base certaine dans ses sciences ; elle savait beaucoup, mais aucune de ses connaissances n'était classée, coor­donnée ; aucune route n'était tracée pour pénétrer plus avant ; elle donnait beaucoup au hasard, elle complétait son expérience très-incomplète avec son imagination, avec des fictions, des rêveries, des systèmes philosophiques ; elle était devenue mystique. Le catholicisme arriva sur ces entrefaites; il prêchait un Dieu en trois personnes, il ren­versait le polythéisme qui commençait à devenir un peu ri­dicule. Les savants s'emparèrent de cette nouvelle doc­trine qui leur fournissait le moyen d'accorder Platon avec Aristote et qui flattait l'idée scientifique d'alors, laquelle disait que l'univers était commandé par trois forces. Le catholicisme se répandait d'un autre côté dans les basses classes, en organisant la résistance contre les riches, et en fondant des sociétés secrètes communistes ; mais il ne dut son triomphe qu'aux savants qui l'installèrent, comme reli­gion sociale et politique. A peine reconnue, la religion chré­tienne se fit despote, elle transforma en dogmes indiscu­tables les opinions philosophiques du temps. Ses premiers défenseurs, les Origène, les Jérôme, les Athanase, les Baile, les Augustin, qui n'avaient été grands écrivains que parce qu'ils avaient été élevés par la philosophie payenne, furent remplacés par des raisonneurs de mystères par des conteurs de miracles ; le christianisme devint une tyrannie sacerdotale ; il se fit religion du peuple, in­venta des saints et des reliques, proscrivit la raison et engendra la stérilité.

Et voilà comment le dogme arrêta pour longtemps les essorts de l'esprit humain.

Pareille décadence pouvait arriver de notre temps après les brillantes renaissances du XVIe siècle et de l'époque de Louis XIV, car quelques faits nouveaux avaient été pro­duits, mais mille systèmes de fantaisie et d'imagination étaient éclos pour les commenter et les expliquer ; et si ces philosophies avaient pu s'entendre et se grouper autour d'un dogme nouveau, elles auraient pu inventer un autre esclavage de l'esprit humain. Mais le scepticisme triom­pha, des hommes patients eurent le temps d'étudier, d'ob­server, de classer les nouvelles connaissances. Le XIXe siè­cle est commencé, il a trouvé une marche certaine pour la science, il délie maintenant les nouveaux dogmes et il s'affranchit des anciens que la science doit finir par faire disparaître.

Ces préjugés, qui sont le partage des classes riches et instruites, sont presque justifiés par l'éducation qu'on nous donne. Nous sommes habitués à diviser le monde en deux parties, la partie payenne et la partie chrétienne. Nous voyons le paganisme naître et mourir, nous voyons la société chrétienne grandir et se modifier, mais nous n'avons pas étudié les transitions de ces époques ; l'his­toire nous en est mal connue, et nous ne pourrons arriver à juger sainement de ces temps qu'en regardant le christianisme comme une suite du paganisme, suite qui, il faut le dire, a été une décadence évidente.
___________

Les petits livres de la rue de Fleurus ne s'adressent pas à la foule, ils ne prêchent ni la révolte ni la croisade con­tre l'opinion publique. Ils sont faits pour combattre quel­ques préjugés spéciaux aux gens instruits, que des préoc­cupations de position empêchent souvent de recourir aux sources et d'examiner par eux-mêmes les idées monnayées par la première moitié du XIXe siècle.

jeudi 22 mai 2008

Moréas, Jean (1856-1910)


  • Les Stances : les six livres complets / Jean Moréas.- Paris (54, rue des Ecoles) : Editions de La Plume, MCMV [1905].- 213 p. ; 18 cm.- (Bibliothèque du Parthénon).
    • Ce volume a été tirée à 633 exemplaires de luxe, numérotés et ainsi justifiés : 1° Trente-trois exemplaires in-8° colombier dont un sur vieux Japon à la forme, huit sur Japon Impérial, neuf sur Hollande Van Gelder et quinze sur Chine, tous signés par l'auteur. 2° Six cents exemplaires in-16 jésus. [Exemplaire] n°316.

mercredi 21 mai 2008

Jean Tousseul (1890-1944)


  • Silhouettes et Croquis / par Jean Tousseul ; illustration de Léon Jurdan.- [Liège : Georges Thone, 1932].- 103 p. : ill. ; 24 cm.- (Les Heures Claires).

mardi 20 mai 2008

Thomas Owen (1910-2002)


  • Le Jeu secret : roman / Thomas Owen ; dessins de Anna Staritsky.- Bruxelles (12, place du Petit Sablon) : La Renaissance du Livre, 1950.- 174 p.-[5] f. de pl. : couv. ill. ; 20,5 cm.- (Collection Miroirs ; 2).
    • L'édition originale de LE JEU SECRET, par Thomas Owen, deuxième volume de la Collection Miroirs à été tirée à 2076 exemplaires ainsi répartis : Vingt-six exemplaires sur papier de Hollande van Gelder à la cuve, lettres de A à Z ; cinquante exemplaires sur papier Lafuma pur fil, numérotés de I à L ; deux mille exemplaires sur papier vergé sans bois, numérotés de 1 à 2000. Exemplaire justifié : 1536.

lundi 19 mai 2008

Pierre Benoit (1886-1962)


  • L'Atlantide / Pierre Benoit ; bois en couleurs de Nelly Degouy.- Bruxelles (163, boulevard Adolphe Max) : Éditions du Nord - Albert Parmentier, 1944.- 283 p.-[8] f. de pl. en coul. : couv. ill. en coul. ; 21 cm.- (Collection Electa ; 6).
    • Tirage spécial "Les Introuvables" : Il a été tiré de cet ouvrage 200 exemplaires numérotés, sur vélin de luxe extra blanc Atalante, à l'intention des Bibliophiles du Nord. Il a été tiré en outre un exemplaire unique justifié - U - sur Japon Nagasaki, comprenant une suite unique sur Japon impérial extra-mince, une suite unique, en sépia, sur vélin blanc supérieur, les dessins originaux de l'artiste et différents essais. On y a joint les bois originaux.

dimanche 18 mai 2008

Alphonse Daudet (1840-1897)


  • Lettres de mon moulin / Alphonse Daudet.- Paris : Le Club français du Livre, [1967].- 293 p. ; 13 cm.- (Privilège ; 30).
    • Cet ouvrage de la collection Privilège réalisé d'après les maquettes de Jacques Daniel, a été composé en caractère Bodoni par Primedit-Richir, à Paris. Il a été imprimé, sur papier Sarca de la Cartiere del Garda et relié par l'Istituto Italiano d'Arti Grafiche. Le tirage en a été achevé le 5 mai 1967. Cette édition réservée aux membres du Club français du livre comprend vingt-cinq exemplaires numérotés de A à Z, cent exemplaires numérotés de I à C et 12000 exemplaires numérotés 1 à 12000. [Exemplaire] n°8074.

samedi 17 mai 2008

Léon Bonneff (1882-1914)


  • Aubervilliers : roman / Léon Bonneff ; avant-propos de Henry Poulaille.- [Rennes (Imprimeries Réunies)] : L'Amitié par le Livre, 1949.- 287 p. ; 18,5 cm.
    • Il a été tiré de "Aubervilliers" mille exemplaires sur papier "Artic" numérotés de 1 à 1000 constituant l'édition originale.

PRÉFACE

Léon Bonneff avait seize ans quand, pour aller à Paris, il quitta Belfort, où ses parents s'étaient fixés. Comme son frère Maurice, de deux années plus jeune que lui, Léon Bonneff avait tout juste le certificat, d'études primaires. Il entra chez un de ses cousins, éditeur. Là, tant bien que mal, la matérielle lui était assurée.

A Belfort, le métier de brodeur ne rendant guère, et le jeune Maurice, en mal de son aîné, parlant de le rejoindre, les parents décidèrent d'aller eux aussi dans la capitale. En avril 1900, la famille Bonneff s'installa dans le XIVe, rue de la Tombe Issoire, où le hasard voulut que Léon rencontrât un jour le vieux communard Lefrançais, ami de Lucien Descaves. Il y a de mauvais hasards. Il en est d'heureux. Ce fut la chance de Bonneff de trouver sur son chemin ce vieillard — il avait 70 ans — qui vivait un peu replié sur lui-même. Ils avaient sympathisé. Ils avaient parlé littérature. Léon rêvait d'écrire. Lefran­çais qui n'était pas compétent en ces matières, assu­rait-il, l'envoya chez l'auteur de Sous-Off et de La Colonne. Lucien Descaves a maintes fois raconté cette visite : Bonneff se croyait poète, et ses premiers essais étaient en vers. Il rimait comme on rime à cet âge, dit Descaves ; il célébrait le printemps et l'amour, et il les célébrait avec une candeur telle que je ne pus m'empêcher de lui dire : « Est-ce que vous tenez absolument à vous exprimer en vers ? et à n'exprimer que des vérités reconnues et des senti­ments douceâtres ? en ce cas, continuez. Si vous avez du génie, on le verra. Si vous êtes résolu, au contraire, à n'avoir que du talent, cherchez le modèle, étudiez-le. Au faubourg, où nous vivons tous les deux, il n'y a que l'embarras du choix. Regardez à vos pieds, comme disait le fabuliste. La vie ne tombe pas du ciel, mais elle sort des pavés ».

Léon Bonneff s'en alla un peu effaré, et peut-être, sur le moment, déçu. Des mois passèrent. Un jour, Descaves revit le jeune poète. Il avait abandonné la poésie pour la prose et s'était déjà lancé dans de grandes enquêtes auprès des syndicats. Il s'était attelé avec son frère à une étude approfondie des maladies professionnelles qui devait paraître en 1905 par les soins d'un des camarades de Léon Bonneff, M. Tessier, qui, travaillant à La Raison de Victor Charbon­nel, l'y avait connu comme secrétaire de rédaction. Peu de temps, mais assez pour que les deux jeunes gens se liassent d'amitié. M. Tessier, qui devait se faire éditeur théâtral plus tard, rêvait alors de col­lections d'études. Il ouvrit un jour boutique rue Ser­vandoni, à l'enseigne de la Bibliographie sociale. Le premier volume de la collection d'études ouvrières fut Les Métiers qui tuent.

Dans cet ouvrage, les deux frères Bonneff dénon­çaient les dangers et les risques qui pavaient, plus encore qu'aujourd'hui, la vie de chaque jour des peintres, des meuliers, fondeurs typographes, dégraisseurs, égoutiers, etc. Ce livre obtint un succès qu'é­diteur et auteurs n'osaient espérer. Depuis, bien des améliorations se sont produites dans la plupart des corps de métiers que les Bonneff étudiaient, sans que leurs bénéficiaires sachent à qui ils en sont redevables. Car, malheureusement, le prolétariat, qui fait le succès des histrions artistiques et littéraires par passivité, ignore les siens, ceux qui ne cherchent qu'à servir leur classe, les Bonneff au tout premier rang.

Avec Les Métiers qui tuent, ils avaient trouvé leur voie. A partir de ce moment, la classe ouvrière eut les deux plus consciencieux de ses porte-parole, ainsi qu'en peuvent témoigner les collaborations réguliè­res données à l'Humanité, la Guerre sociale, la Vie ouvrière de Monatte, la Bataille syndicaliste, etc.

En 1908, un nouveau livre était prêt que l'on envi­sageait de faire paraître chez Rouff, où Léon Bon­neff était secrétaire de rédaction de Mon Dimanche. Tessier n'avait pas voulu que par scrupule, ses amis manquassent leur chance. Rouff acceptait. Quand ils retournèrent cette fois, chez Descaves, les deux gail­lards ne venaient rien moins que lui demander une préface. Descaves qui n'est pas toujours (pas sou­vent !) de bon poil, et que cette demande de préface agaçait, répondit qu'il n'avait pas de goût pour cela. Mais ils étaient deux contre lui. Léon, très calme, insinuait timidement, Tandis que Maurice, plus bru­tal, insistait et paraissait chercher quelque chose à bousculer. Force fut à leur hôte de céder, de faire mine de céder, du moins, pour gagner du temps : « Je vais lire d'abord »

Il lut, et quand il reposa les épreuves sur la table, il était conquis. On n'aurait plus besoin de le sup­plier ! « Tout l'honneur était pour lui, assurait-il ensui­te. Le beau livre ! Comme il dépassait la littérature ! » « Je me trouvais un peu confus, moi, travailleur aux mains blanches, de servir d'introducteur à des mains, à des gueules noires. Les Bonneff nous faisaient par­courir des champs de bataille couverts de morts et de blessés ».

C'était La Vie tragique des travailleurs, ce chef-d'œuvre inégalé de l'enquête sociale, l'un des plus étonnants documents écrits sur la peine des hommes.

L'Humanité avait appelé Léon Bonneff chez elle. La Dépêche de Toulouse appela Maurice. L'un et l'autre devaient y poursuivre leur grande enquête pro­létarienne, outre leur collaboration de combat : Guerre sociale, Vie ouvrière, Homme du jour, Batail­le syndicaliste, etc...

Un nouvel ouvrage vit le jour, La Classe ouvrière, qui était la réunion d'une série de fortes brochures qui paraissaient à la Guerre sociale sous couverture de Delannoy ou de Galland. Chacune de ces mono­graphies (boulangers, postiers, pêcheurs bretons, ou­vriers terrassiers, compagnons du bâtiment, travail­leurs de restaurants, employés de magasins, etc.) est un modèle de précision et d'intelligence.

Les Bonneff avaient fait du théâtre. Ils publièrent vers 1906 un acte amusant : Le Cambrioleur malgré lui, et sous un pseudonyme un autre acte supérieur : Notre Pain quotidien mais qui reste d'un intérêt secondaire.

Maurice Bonneff avait écrit : Didier, homme du peuple, que publia La Grande Revue, en 1912, et que Pavot édita l'année d'après. Entre temps, les Bonneff signaient ensemble un autre recueil de notations sur la vie prolétarienne : Marchands de Folie, où défi­laient tour à tour les cabarets des Halles et des fau­bourgs, les cabarets d'exploitation, les estaminets des mineurs et ceux des ports, etc.

Léon aussi avait l'idée d'un roman. C'était Auber­villiers, que nous publions. Ainsi qu'en témoigne une lettre de novembre 1913 à une de ses amies, Mlle Slom, cette œuvre était déjà terminée à cette époque. Il se proposait de la revoir un peu plus tard et l'avait mise au repos bien ficelée, disait-il. La guerre survint, qui enleva les deux frères à leurs travaux, à leur classe. Ils avaient respectivement 30 et 32 ans quand ils moururent au nom de la culture et du droit lors de la « grande guerre », « couchés dessus le sol à la face de Dieu », comme chantait Péguy, victime lui-aussi du moloch Patrie.

*
* *

Aubervilliers, que nous présentons aujourd'hui, avait déjà été publié par la revue Floréal il y a plus de trente ans. « Peu importe, déclarait Descaves dans un article liminaire, que la guerre et ses suites aient plus ou moins modifié les conditions de travail dans l'endroit où Bonneff a porté l'ardeur investigatrice qui le dévorait. Il n'envisageait avant tout, et il faut n'envisager comme lui, que la peine des hommes, suivant le mot de Pierre Hamp, et les mêmes métiers déciment aujourd'hui les mêmes hommes qu'hier ».

Certes, depuis plus de trente-cinq ans — et quelles années ! — que l'œuvre fut écrite, des changements ont transformé, oh ! point si visiblement que cela, du moins de dehors, Aubervilliers — mais, même l'œuvre eût-elle vieilli dans ce sens, que, représenta­tive d'une vie périmée, elle garderait toute sa valeur, étant documentaire d'abord... Un document humain avant que d'être une œuvre artistique. C'est une fres­que vivante, un film dirons-nous plus justement, sur la partie la plus triste de la banlieue nord. Léon Bonneff a mené son enquête en syndicaliste plus qu'en journaliste et s'est préoccupé davantage des conditions où vivaient ses héros que de l'agencement de ses chapitres. On le constatera notamment au dé­but, le premier est quelque peu lâché. Ces pages ne sont pas d'un artiste. Il était un homme avant tout. Mais quelle acuité de vision ! Tour à tour, au cours du récit, il nous mène chez l'équarrisseur, aux usines d'engrais, aux boyauderies, aux usines de superphosphates, à celles d'artifices, aux parfumeries, aux abat­toirs... Historien, il n'a garde d'omettre ni les maraî­chers, ni les petits métiers, ni les petits faits de la vie de tous les jours dans la ville grise. La rue et ses maisons casernes, les bistrots, les bals, les commer­çants, et cela nous vaut d'étonnants tableaux d'atmos­phère comme ces scènes de dimanches que la version de Floréal ne donnait pas (je cite celles-là entre autres). Rien n'est oublié dans cette monographie. Voici les disputes, les gosses malades qu'on emmène à l'hôpital Claude-Bernard, près des fortifs, la garderie d'enfants de l'assistance publique, où le « Roussi » va conduire sa nichée, en attendant que revienne sa femme qui va avoir son huitième gosse. Voici Nan­terre, où sont les vieux. C'est toute la vie de la banlieue industrielle et la plus terrible image de la vie prolétarienne des villes est peut-être celle qui sa dégage de ce livre puissant, sans amertume et plein de santé.

Publié sur le manuscrit original, que voulut bien nous communiquer M. Tessier, Aubervilliers est donc offert intégralement, avec la chapitration décidée par son auteur et sans coupures, comme cela avait été le cas lors de sa première publication. C'est donc, en fait, une œuvre inédite que nos lecteurs vont lire, et j'insiste pour ceux et celles qui auraient pu la suivre déjà autrefois dans le supplément de Floréal. Parmi les pages qui n'y figuraient point certaines sont de la meilleure veine de Léon Bonneff et avaient pourtant dans le récit une signification.

En tout cas, nous n'avons pas cru devoir être plus juge de leur valeur que l'auteur, et dans notre res­pect de son travail, nous pensons avoir agi au mieux de la mémoire de notre aîné en donnant l'œuvre complète.

Henry POULAILLE.

vendredi 16 mai 2008

Francis de Croisset (1877-1937)


  • La Féerie cinghalaise : Ceylan avec les anglais / Francis de Croisset ; 10 hors-texte en couleurs de Bofarull.- Paris (7, rue Dupuytren, 6e) : Editions du Panthéon, MCMXLVII [1947].- 283 p.-10 f. de pl. en coul., couv. ill. en coul. ; 19 cm.- (Pastels).
    • Il a été tiré de la présente édition 150 exemplaires sur pur fil Johannot à la forme numérotés de 1 à 150, 2350 exemplaires numérotés de 1 à 2500. Exemplaire n°2371.

jeudi 15 mai 2008

Taxile Delord (1815-1877)


  • Les Troisièmes pages du journal Le Siècle : portraits modernes : F. Lamennais, Edgar Quinet, Jules Simon, Prosper Enfantin , Eugène Pelletan, Achille de Vaulabelle, Henri Martin, Guizot, Timon, Royer-Collard, Saint-Marc Girardin, Saint-Just, Merlin de Thionville, Ferdinand II, Falloux, Lacordaire / par Taxile Delord.- Paris (97, rue de Richelieu et passage Mirès) : Poulet-Malassis et De Broise, 1861.- 492 p. ; 19 cm.

mercredi 14 mai 2008

Camille Lemonnier (1844-1913)


  • Happe-chair / Camille Lemonnier ; illustrations de Lobel-Riche, couverture gravée sur bois par C. Marx.- [Bruxelles] : Moorthamers frères éditeurs, 1932.- 311 p. : ill., couv. ill. ; 19,5 cm.

mardi 13 mai 2008

Karl Holter (1885-1963)


  • Le Parchemin / Karl Holter ; roman traduit du néo-norvégien par Judith Gérard, [introduction de Gilles Gérard-Arlberg].- Paris : Le Club français du Livre, 1948.- 254 p. ; 21 cm.-(Romans ; 26).
    • Cet ouvrage, composé d'après les maquettes de Jacques Brailes, en elzévir corps 10, et tiré sur bouffant blanc d'édition, a été achevé d'imprimer le 24 juillet 1948 sur les presses de l'imprimerie Crété, à Corbeil, et relié par Engel, à Malakoff. L'édition en tirage limité hors commerce est réservée exclusivement aux membres du Club français du Livre. Elle comprend 26 exemplaires marqués A à Z, 100 exemplaires numérotés I à C destinés aux animateurs du club et 3000 exemplaires numérotés de I à 3000. Exemplaire n°1522.

INTRODUCTION

Affirmer que certaines œuvres, à certaines époques, résument et catalysent, en quelque sorte, les tendances d'un courant ou d'une tradition littéraire, en les magnifiant et les portant à une perfection difficilement égalable, est devenu un truisme ; mais la découverte, ou plus exactement l'élévation de tels ouvrages au pinacle, n'est généralement l'œuvre que du seul temps, et le critique littéraire, jouant alors le rôle d'historien, ne fait plus que constater un fait qui l'a surpris et qu'il tentera d'expliquer ou de justifier.

Nous ne voudrions, en aucune manière, nous prendre ou nous faire passer pour prophète ou sourcier, mais l'œuvre présente qu'il nous a été donné de connaître en son original nous a paru remplir toutes les conditions et posséder toutes les qualités généralement requises pour passer à la postérité comme œuvre cruciale, exemplaire.

Le Parchemin, qu'un jury couronna en 1938 de la plus haute récompense littéraire norvégienne, semble bien, en effet, être l'aboutissement d'une tradition pro­fonde, non pas seulement des lettres norvégiennes, mais d'une forme de pensée et d'une manière d'expression, de longtemps ancrées dans la nature des courageux habitants de ce petit pays : romantisme à la fois sentimental — ou lyrique — et épique, avec, en surimpression, un symbo­lisme pittoresque dû à l'inhibition pudique d'un mys­ticisme refoulé par l'influence luthérienne.

Presque purement romanesque, cette œuvre nous ramène aux sources mêmes de l'inspiration norvégienne nationale. Par sa composition d'abord, qui peut s'apparenter à celle d'une saga ; par son lyrisme, qui puise souvent dans le fonds des légendes folkloriques ; par sa poésie, où l'amour de la nature et des bêtes que l'on y trouve n'est pas seu­lement scandinave mais proprement norvégien par cette ferveur et cette violence qu'ignorent Danois et Suédois ; par son style et sa langue enfin, sur lesquels il y aurait beaucoup à dire.

Karl Holter écrit, en effet, en landsmaal ou néo­-norvégien. Sans entrer dans des détails historiques et philologiques fastidieux, il est bon, pensons-nous, de donner quelques éclaircissements à ce sujet aux lecteurs français, qui ignorent bien souvent que la majorité des écrivains norvégiens d'aujourd'hui n'écrivent plus la même langue qu'Ibsen.

Ce n'est qu'en 19o5 que les Norvégiens obtinrent leur totale indépendance en rompant toute attache politique avec la Suède. Cette rupture donna une force nouvelle au mouvement nationaliste déjà amorcé à la fin du siècle dernier. Le norvégien classique, qui n'était en réalité, à quelques nuances de sens et de prononciation près, que le danois, sembla aux Norvégiens, ivres de leur jeune liberté, un insupportable souvenir du passé, et, peu à peu, des formes dialectales, patoisantes ou anciennes, rajeu­nies, s'agglomérèrent à la langue courante pour constituer un langage nouveau, tandis que l'écriture, résolument phonétique, achevait de couper les ponts avec le dano-­norvégien honni.

Comme pour le provençal littéraire créé par Mistral et employé génialement par lui, — les résultats ne furent pas toujours heureux ; mais certains écrivains, doués d'un goût et d'un instinct sûrs, tirèrent des effets remarquables de cet outil neuf et mordant dont ils disposaient.

Karl Holter est de ceux-là.

La traduction ne peut certes pas rendre avec une fidélité intégrale les recherches musicales ou rythmiques de certaines phrases, ni la couleur de certains mots ou expres­sions, pittoresque qui vient souvent de hardiesses gramma­ticales ou morphologiques qui sonneraient faux dans leurs équivalents français.

Cet atout que possédait Karl Holter — cette langue neuve, souple et puissante, et surtout foncièrement nationale — lui a permis de gagner à son jeu et d'écrire une œuvre qui, grâce à elle, est souvent comme un beau poème, tout en restant, non pas populaire, mais expres­sive des rêves, des élans, des amours d'un peuple.

Si le pittoresque verbal disparaît à la traduction pour le lecteur français — et il faut remercier Madame Judith Gérard de n'avoir pas tenté des équivalences dans le genre Quoi qu'c'est qu'ça ? — il lui reste un mer­veilleux roman, un vrai roman où ne manque ni l'action, ni la poésie, ni l'exotisme que nous aimons chez les auteurs étrangers, ni surtout le sens de l'œuvre bien construite et bien menée qui apparente Le Parchemin à certains chefs-d'œuvre classiques.

Gilles Gérard-Arlberg.

lundi 12 mai 2008

Paul Drouot (1886-1915)

  • L'œillet rouge [suivi de La Loge 27] / par Paul Drouot.- Paris : Le Divan, 1926.- 53 p. ; 14 cm.- (Les Coussins du Divan ; 1. Le Coussin pourpre).
    • Il n'a été tiré de ce volume que 250 exemplaires numérotés sur vélin d'Arches. [Exemplaire ] n°19.

dimanche 11 mai 2008

Alfred de Musset (1810-1857)


  • Frédéric et Bernerette / Alfred de Musset ; illustrations de Claude Chopy.- Paris : Librairie Gründ, 1943.- 94 p.-[8] f. de pl. en coul. ; 14 cm.- (Collection Bagatelle ; 1).
    • Cet ouvrage a été tiré à deux mille exemplaires sur vélin alfa des papeteries Navarre, numérotés de 1 à 2000. Exemplaire n°1835.

samedi 10 mai 2008

Irène Némirovsky (1903-1942)


  • David Golder / Irène Némirovsky.- Paris : Bernard Grasset, 1953.- 249 p. : couv. sous jaq. ill. en coul. ; cm.- (Collection pourpre)

vendredi 9 mai 2008

Charles de Coster (1827-1879)

  • La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et ailleurs / Charles de Coster.- Texte intégral de l'édition Paul Lacomblez.- Bruxelles (58-60, rue Coudenberg) : Maurice Lamertin, 1928.- XVIII-412 p. : couv. ill. ; 22 cm.
    • Il a été tiré de cet ouvrage 50 exemplaires sur papier de Hollande Pannekoek et Cie, numérotés de 1 à 50. Justification du tirage : [Exemplaire] n°2679.

Monument à Charles De Coster (Till Eulenspiegel),
place Flagey, Ixelles (Bruxelles)

jeudi 8 mai 2008

Maxence Van der Meersch (1907-1951)


  • L'Elu / Maxence Van der Meersch ; bois en couleurs de Léon Van Damme.- Bruxelles (163, boulevard Adolphe Max) : Aux Éditions du Nord - Albert Parmentier, 1946.- 245 p.-[7] f.de pl. en coul. : couv.ill. en coul. ; 21 cm.- (Collection Electa ; 8).
    • Tirage spécial "Les Introuvables" : Il a été tiré de cet ouvrage 200 exemplaires numérotés, sur vélin de luxe japon Oyama, à l'intention des Bibliophiles du Nord. Il a été tiré en outre un exemplaire unique justifié - U - sur japon Mitsu, comprenant une suite unique sur Japon impérial extra-mince, une suite unique, en sépia, sur vélin blanc supérieur, les dessins originaux de l'artiste et différents essais. On y a joint les bois originaux.

mercredi 7 mai 2008

Typographie


  • 40 alphabets publicitaires / dessinés par M. Moullet, mis sur pierre par Roger Charles.- Bruxelles (155, boulevard Anspach) : Editions Caboni, 1944.- 27 cm.- (coll. Modèles et documents ; 1).

Deux mots de l'éditeur.
NOTRE BUT

Voici le premier fascicule de la Collection « Modèles et Documents ». Que nous proposons-nous par ces publications ?

Ce n'est certes pas de fournir des livres d'étude aux dessinateurs, artistes et décorateurs publicitaires : ce rôle est celui de nos éditions didactiques et techniques. Mais nous voulons leur procurer des modèles et une documentation d'usage courant, dont ils pourront tirer profit dans leur activité professionnelle. Il sera question tantôt de lettres, tantôt d'attitudes, de sujets ou de modèles variés, qui permettront aux dessinateurs publicitaires de gagner un temps précieux et, comme disent les Anglais, time is money. Nous débutons par les « Alphabets », car la lettre, base de la publicité graphique, intéresse aussi bien les lettreurs que les affichistes, les illustrateurs et les décorateurs, les maquettistes et les exécutants. S'agissant de modèles destinés à la publicité, l'auteur de ce recueil de lettres s'est efforcé de ne pas sacrifier leur clarté et leur visibilité à une originalité à tout prix. C'est ainsi que dans ce premier fascicule, des caractères au goût du jour voisinent avec des lettres classiques, mais modernisées.

Dans des cahiers suivants consacrés à la lettre, les artistes seront documentés sur les nouvelles tendances qui se feront jour, car, est-il besoin de le dire, il existe une véritable mode de la lettre publicitaire et la publicité n'est-elle pas un peu l'habille­ment des produits ? D'autre part, nous veillerons à les tenir également au courant de l'évolution d'autres sujets graphiques de publicité, de sorte qu'il est permis de considérer ces fascicules comme l'embryon d'un véritable journal de modes de la publicité.

M. C.


mardi 6 mai 2008

Michel de Ghelderode (1898-1962)


  • Mes statues / Michel de Ghelderode ; [ill. de Fernand Van Hamme].- Edition originale.- Bruxelles : Les Editions du Carrefour, 1943.-103 p. : ill. ; 23 cm.
    • Cet ouvrage de Michel de Ghelderode a été composé en Egmont romain corps 12 et en Egmont italique corps 12 pour la paraphrase et la supplique. Il a été imprimé en juin 1943 sur les presses de l'imprimerie Laconti, S. A., à Bruxelles. Les cadres de lettrines et les culs-de-lampe sont de Maurice Mahy. Les illustrations hors texte de Fernand van Hamme ont été reproduites par l'électrotypie à Genval. Il a été tiré de cet ouvrage 274 exemplaires répartis comme suit : 200 exemplaires in-quarto couronne sur vélin supérieur Perennis, numérotés de 51 à 250 ; 60 exemplaires in-quarto couronne sur vélin supérieur Perennis, signés par l'auteur et enrichis d'une double suite, tirée en sépia, et signés par l'artiste ; 50 de ces exemplaires ont été numérotés de 1 à 50, 10 ont été marqués H. C. I à H. C. X et sont réservés aux divers collaborateurs de la présente édition ; 14 exemplaires sur vergé d'Ingres, réimposés en in-quarto coquille, enrichis de la double suite signée, d'un fragment du manuscrit signé par l'auteur et d'un dessin original, ont été marqués de A à N. - Ces 274 exemplaires constituent proprement et authentiquement l'édition originale du présent ouvrage de Michel de Ghelderode. [Exemplaire n°] 154.

PARAPHRASE

SI j'étais prince ou tyran, je peuplerais sans aucun doute mes palais de poëtes, de musicants, de ballerins , je réveille­rais les mimes, je réhabiliterais les bouffons ; mais surtout, j'érigerais des statues, dans les salles et les jardins, sur les façades et sur les toits, et là même où nul n'en supporterait ; de sorte qu'on m'attribuerait une noble et dispendieuse folie. Les sculpteurs seraient heureux dans leurs chantiers sonores, où le marbre musical arriverait sans répit, traîné par d'énormes chevaux fumants. J'aurais la sagesse — car toute folie implique une sagesse égale — de ne me pas faire statufier, encore que je prendrais la précaution de des­siner mon mausolée. Comme de bien entendu, j'agirais à l'encontre des goûts communs, ne perdant jamais de vue qu'une des principales jouissances d'un être supérieur est dans l'offense à la canaille : j'érigerais des statues détestées, incom­préhensibles, qui attendraient leur temps... Seulement, ma mère me donna le jour en un siècle qui n'est pas le mien, ce dont j'ai moult enragé, et je ne suis ni tyran ni prince... Alors, que faire, en cet interrègne qui va du berceau à la tombe ? Carpe diem... Mais il y a la façon ! J'aurai aimé ce qui méri­tait de l'être, possédé ce que je comprenais ; et ainsi puis-je affirmer avoir été très riche ! Entre autres, j'ai chéri les statues de mes chemins — ces apparus, ces signes, que mes contemporains tous voient, mais jamais ne regardent. Elles existaient pour moi seul, et en cela, ma jouissance était tyran­nique et princière véritablement. Je me croyais digne d'elles ; ma fidélité à leur endroit ne s'est jamais démentie. Partout, dans les places et les parcs, dans les églises et les cimetières, j'ai vénéré leur entéléchique dignité ; j'ai savouré la qualité de leur silence. Sans doute m'a-t-il fallu récuser la plupart d'elles, odieux simulacres, grotesques effigies, la laideur éter­nisée sur socle ; je ne les méprisais point, par respect de la matière dont elles sont faites ; je les ignorais. Ma ferveur allait à certaines d'elles, par suite de secrètes accordances, et mes élues, je le pressens, ne me seront pas très disputées. Mon choix importe seul. Car il en est du monde des statues comme du monde tout court : les médiocres occupent les avenues et attirent les coups de chapeau ; les beaux caractères, les exceptionnels servent à boucher l'horizon, en attendant la relégation, et conviennent aux levers de pattes des roquets de la bourgeoisie... Suivez-moi si vous m'aimez un peu, et vous saurez qui j'aime. Trente ans déjà que je m'éveillai ce citadin, ce promeneur si distraitement attentif qui a vu mourir sa Ville, et parfois ferme les yeux, quand il la rebâtit en rêve ! Et si mes statues vous déplaisent, quittez-moi sans rien en dire : je ne m'en daignerai apercevoir.

lundi 5 mai 2008

Prospectus


  • [Prospectus] Les Amateurs d'autrefois : Jean Grolier, Jacques-Auguste de Thou, Claude Maugis, le Cardinal Mazarin, Michel de Marolles, Evrard Jabach, la Comtesse de Verrue, Pierre Crozat, Antoine de La Roque, le Comte Léon de Lassay, le comte de Caylus, Jean de Jullienne, Pierre-Jean Mariette, Augustin Blondel de Gagny, Paul Randon de Boisset, Laurent de La Live de Jully, le baron Dominique Vivant-Denon / par L. Clément de Ris, conservateur du Musée de Versailles.- Paris (10, rue Garancière) : E. Plon et Cie, [1877].- 4 p. ; 25,5 cm.

dimanche 4 mai 2008

Belgique

  • 1830-1930 : Centenaire de la Belgique.- Paris (13-21, rue Montparnasse, 6e) : Librairie Larousse, 1930.- n.p. : ill., couv. ill. en coul.- 21 cm.
    • Offert par la Librairie Larousse.


[carte publicitaire]

samedi 3 mai 2008

Prospectus


  • [Prospectus] Recueil de plusieurs fragments des premières comédies italiennes qui ont esté représentées en France sous le règne de Henry III : Recueil dit de Fossard conservé au Musée National de Stockholm présenté par Agne Beijer, conservateur du Musée Nationale de Drottningholm, suivi de compositions de rhétorique de M. Don Arlequin présentées par P.L. Duchartre.- Paris (13, rue Ernest Cresson, 14e) : Editions Duchartre et Van Buggenhoudt, [1928].- [4] p. : ill. ; 28 cm.

vendredi 2 mai 2008

Prospectus


  • [Prospectus] Molière, Le Misanthrope précédé d'un Dialogue aux enfers par Anatole France et suivi de la Conversion d'Alceste par Georges Courteline, décorés de 26 compositions de Jeanniot dont 12 gravées sur bois par Florian.- Paris (125, boulevard Saint-Germain) : Editions d'art Edouard Pelletan, 1907.- [8] p. : ill. ; 28 cm.
Il n'est point nécessaire, dans ce prélude à un chef-­d'œuvre incontesté, de justifier le choix que nous avons fait du Misanthrope. Aucun de nos grands critiques, Sainte-Beuve en tête, n'a omis d'exprimer son opinion sur cette comédie, et il n'est point un bibliophile, digne de ce nom, qui n'ait la sienne faite sur ce point.

Mais ce qui nous semble devoir être expliqué, c'est la ma­nière dont nous avons compris l'interprétation graphique et typographique du Misanthrope. Si, en effet, les avis sont unanimes sur la valeur de l'œuvre, la façon de la comprendre varie ; les innombrables éditions qu'on en a faites et plus en­core les comédiens qui jouent Alceste nous en fournissent la preuve.

Ce que nous avons voulu a été de fixer par le crayon et par le burin les types dont Molière peignit les caractères de traits si incisifs et si précis ; de vêtir le texte, par une typographie majestueuse, de la grandeur qui convenait tant aux person­nages qu'au monument que nous voulions élever à l'auteur ; de donner à ce texte ainsi qu'à ces images, le faste d'une colo­ration qui demeurât pourtant livresque ; enfin d'adjoindre au Misanthrope l'aliquid novi par lequel un chef-d'œuvre reprend de la jeunesse en revivant, pour ainsi dire, dans ses enfants.

Abordons tout de suite ce dernier point.

Le Misanthrope a, en effet, été le père de plusieurs œuvres, dont deux au moins passent pour des chefs-d'œuvre, elles aussi. La première est le Philinte, de Fabre dÉglan­tine ; elle est un peu oubliée aujourd'hui. La seconde date d'hier. Elle a pour auteur M. Courteline qu'un critique a pu appeler, sans hyperbole, « le Molière de notre temps ». Or M. Courteline a serré de très près Molière dans La Con­version d'Alceste, non pas seulement en écrivant dans les termes mêmes et avec les tournures favorites de Molière, mais surtout en conservant aux personnages de sa comédie, qui sont ceux du Misanthrope, leur caractère et leur psychologie. Plus que le Philinte de Fabre d'Églantine, La Conver­sion d'Alceste était la suite naturelle du Misanthrope, Alceste étant, dans l'esprit de Molière, le personnage prin­cipal, le prototype de la pièce.

Ensuite nous avons demandé à M. Anatole France de préciser le caractère d'Alceste, sur lequel on dispute encore. Alceste était-il comique, franchement, ou tragique, sous le masque de la comédie ! M. Anatole France, imaginant une rencontre aux Enfers, entre l'abbé Douillet, sorte de Mé­nippe, et le Misanthrope, fait adresser à celui-ci par celui-là de fort piquantes vérités. Alceste dut penser, ce jour-là, que la sincérité sans retouches avait des inconvénients ! Ce dialogue, comme tout ce qu'écrit le maître écrivain, est d'une suprême élégance, d'une dialectique spirituelle et d'une délicieuse ironie.

Voilà donc quels ornements littéraires nous avons cru pou­voir adjoindre à l'œuvre principale. Ils sont de qualité et de rapport étroit avec la célèbre comédie.

En ce qui concerne l'illustration, c'est au maître Jeanniot qu'échut l'honneur de donner aux types de Molière une formu­lation graphique adéquate. Alceste, Philinte, Oronte, Célimène, Arsinoé, Eliante ont trouvé sous la main de ce dessinateur nerveux, de cet artiste si habile à individualiser une figure, leurs physionomies propres et telles qu'on ne peut en imaginer de plus expressives. Ces personnages ont l'air et l'élégance de leur rôle ; ce sont bien des courtisans du grand siècle ; ils en ont l'attitude aisée, le geste élégant, le costume recherché — et exact ! Nous ne saurions dénombrer les multiples essais de l'illustrateur, mais pour qui connaît la probité d'art de M. Jeanniot, — probité proverbiale, oserons- nous dire, parmi les artistes, — l'énumération serait superflue. L'essentiel, d'ailleurs, est que le but soit atteint et, en ces matières, Alceste nous apprend que le temps ne fait rien à l'affaire.

Le parti adopté a été celui des en-têtes et des culs-de-lampe, simples dessins au trait, fac-similés sur bois par M. Ernest Florian, et, pour les hors-texte, des eaux-fortes originales. Celles-ci se divisent en eaux-fortes imprimées avec des encres différentes appropriées au caractère des personnages et rappelant les couleurs dont on se sert pour dessiner : sépia, sanguine, terres, etc., et en eaux-fortes en noir, comprenant, entre autres, deux doubles pages représentant les scènes capitales de l'œuvre : la scène des portraits au deuxième acte, et la scène des billets au cinquième. Pas de décor, pour ne pas rappeler le théâtre, la portée du Misanthrope tenant surtout à la manière dont les personnages sont analysés, plus qu'au ressort dramatique qui les fait agir.

Il ne nous reste plus qu'à mentionner le choix du carac­tère Grandjean pour les comédies et de l'italique Garamond pour le dialogue-préface, sans que ce choix de fontes en usage au XVIIe iècle ait besoin d'être justifié. Nous nous bornerons seulement à souligner l'emploi d'un gros corps qui donne au texte la grande allure qui lui sied et les tirages en rouge et en vert — le vert, la couleur d'Alceste ! — des indications de scènes.

Nous ne nous dissimulons pas qu'il y a là une certaine recherche, mais la couleur rend la page chantante et nous sommes ici dans la comédie, parmi les poudres et les satins, et la typographie peut, aussi bien que l'illustration, suggérer le brillant de la société fastueuse de Louis XIV.

C'est, au demeurant, à la typographie qu'il appartient de donner au livre son caractère, et l'on peut affirmer qu'un livre n'est vraiment complet qu'à cette condition.

E. P.



jeudi 1 mai 2008

Joseph Arthur de Gobineau (1816–1882)


  • Mademoiselle Irnois / Comte de Gobineau ; nouvelle inédite précédée d'un avant-propos par Tancrède de Visan.- Edition originale.- Paris (35 & 37, rue Madame) : Editions de la Nouvelle Revue Française, 1920.- 102 p. ; 19 cm.
    • Il a été tiré de cet ouvrage après impositions spéciales cent trente-trois exemplaires in-quarto tellière sur papier vergé Lafuma de Voiron au filigrane de la Nouvelle Revue Française, dont huit exemplaires hors commerce marqués de A à H, cent exemplaires réservés aux Bibliophiles de la Nouvelle Revue Française numérotés de I à C, vingt-cinq exemplaires numérotés de CI à CXXV, et neuf cent quatre vingt dix exemplaires sur papier vélin Lafuma de Voiron dont dix exemplaires hors commerce marqués de A à J, huit cents exemplaires réservés aux Amis de l'Edition originale numérotés de 1 à 800, trente exemplaires d'auteur hors commerce numérotés de 801 à 830, et cent cinquante exemplaires numérotés de 831 à 980, ce tirage constituant proprement et authentiquement l'édition originale. Exemplaire n°716.

AVANT-PROPOS

Cette nouvelle du Comte de Gobineau que nous publions aujourd'hui, parut en feuilleton dans le National, durant les mois de janvier et de février 1847. Mais qui feuillette encore le National ? Il eût été vraiment dommage de ne pas tirer de l'oubli cette oeuvre alerte et vivante qui appartient à l'époque la plus laborieuse de l'existence de notre auteur.

On peut en effet, sans trop d'arbitraire, diviser la vie intel­lectuelle de Gobineau, en trois périodes : la première et la dernière plus spécialement littéraires ; la seconde presque exclu­sivement consacrée aux travaux d'ethnologie et d'anthropologie. Une tragédie, des vers, de nombreux romans illustrent les deux périodes qui vont de 1844 à 1853 et de 1876 à 1877. Entre 1853 et 1876 s'insèrent l'Essai sur l'inégalité des races humaines, la Lecture des textes cunéiformes, le Traité des écritures cunéiformes, les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale, Trois ans en Asie, l'Histoire des Perses, — bref tous ou presque tous les outrages scientifiques de Gobineau.

Ces dates ont leur enseignement et, mieux que de longs commentaires dévoilent tout un pan de la psychologie de l'auteur de l'Essai. Voici un jeune homme frémissant d'enthousiasme, d'une prodigieuse activité littéraire, dont la belle fièvre ne s'apaise et ne se satisfait que dans la création intellectuelle. Et c'est l'Alexandre, le Prisonnier chanceux, Ternove, la Chronique rimée de Jean Chouan, les Adieux de Don Juan, les Aventures de Nicolas Belavoir, celles de Jean de la Tour Miracle, l'Abbaye de Tiphaine, - autant d'œuvres où une observation singulièrement perspicace se mêle à une fantaisie toute de verve et de premier jet. Ce sont là plus que des gammes et des exercices de style. A parcourir ces ouvrages de jeunesse nous avons conscience de pénétrer une des personna­lités les plus originales du XIXe siècle, et de peser au moins deux chefs-d'œuvre.

Et voilà l'admirable : Gobineau ne s'est pas cherché. Dès ses débuts, il se trouve et se réalise selon sa loi. Son mode d'expres­sion seul se transforme avec l'âge ; car dans Ternove et dans l'Abbaye de Typhaine, par exemple, nous découvrons en substance les idées de l'Essai et tout le système ethnologique de notre sociologue. Le fond persiste si la forme change. Au plan litté­raire se superpose le plan scientifique, et pour un temps, l'artiste cède la parole au savant. A partir de 1876, Gobineau revient à sa forme préférée, celle du conte et du roman. Dans les Nouvelles Asiatiques, les Souvenirs de voyage, les Pléïades, la Renaissance et Amadis il condense sa longue expérience d'obser­vateur en perpétuel éveil et de psychologue désabusé.

Ainsi donc, à suivre de près notre auteur, à l'écouter vivre et à le comparer avec lui-même, on s'aperçoit que le savant a fait la plus grande place à la forme imaginative et a toujours préféré, pour se réaliser, la nouvelle et le roman à l'œuvre didactique. Ce très lucide orientaliste débute par un roman et finit par des nouvelles. L'art est sa religion première et dernière, et s'il consent à chercher son inspiration au bord des rivages d'Asie, auprès des vieilles civilisations, Gobineau n'a jamais pensé que la pédanterie pouvait tenir lieu de style, ni qu'il faille préférer, dans l'intérêt même de la science, une dissertation indigeste à un récit en action. Il y a souvent plus de philosophie dans un conte que dans un traité théorique.

C'est de quoi on commence à se convaincre, grâce à nos efforts persévérants. Beaucoup découvrent un écrivain délicat, un conteur exquis, un psychologue raffiné où ils s'attendaient à ne trouver qu'un professeur, voire un savant doublé d'un diplomate. On se rend compte que Gobineau est plus près d'un Stendhal et surtout d'un Mérimée que d'un Fustel de Coulanges ou d'un Tocqueville. Le spectre d'un Gobineau penché, entre deux rapports d'ambassadeur, sur de gros livres d'érudition, consumant sa vie à déchiffrer des hiéroglyphes comme un enfant des rébus, balayant la poussière des biblio­thèques pour la secouer ensuite autour de lui, — commence à rentrer dans l'ombre, comme d'ailleurs la légende d'un Gobineau amateur et dilettante, ami des paradoxes et s'amusant à mystifier ses contemporains. La vérité est plus souriante à la fois et plus belle. Qu'on cède enfin la place à la vraie physio­nomie morale d'un artiste extrêment avide de science, mais sans raideur, d'un lettré doué d'une magnifique culture, grand voyageur, causeur aimable, pessimiste parce qu'observateur et quand même idéaliste parce qu'ami de la Beauté. Durant sa longue carrière de diplomate — de diplomate par accident —Gobineau s'est reposé de travaux officiels, de rapports ministé­riels, de mémoires fastidieux, en composant des œuvres pleines de vie, d'humour et de psychologie. Comme tout homme de génie il eut — qu'on me passe l'expression — deux ou trois bateaux. Ceux-ci même ne sont dénués ni de style ni d'élégance et, s'ils prennent l'eau, aujourd'hui, par quelques fissures, encore voyons-nous combien peu il faudrait pour les rendre imperméables, et comme ils gardent fière allure !

Du moins, dans Mademoiselle Irnois, il serait difficile, je crois, de trouver le mauvais Gobineau, j'entends le systématique et l'homme à thèse. Voici une œuvre exclusivement littéraire. Cette nouvelle appartient à la première période de la vie de Gobineau, celle où, désireux de gagner son pain et la gloire avec sa plume, le futur auteur des Pléïades, sans chercher plus loin, collabore aux journaux, inonde les périodiques de ses productions, contes, nouvelles, romans en prose ou en vers, et ne se fie qu'à sa fantaisie, guidée déjà par un sûr instinct d'observateur. Elle met en lumière les deux qualités maîtresses de notre écrivain : le don de psychologie et cette froide et terrible ironie dont il ne se départira jamais, étant juste le contraire d'un moraliste. De ce fait, Gobineau réussit moins dans la peinture de la grâce que dans celle des passions violentes. Il décrit mieux les grimaces que les sourires, les âmes noires que les cœurs candides. La tendre Emmelina, si déshéritée par la nature et d'une si touchante virginité, n'excite pas notre auteur au même degré que le tempérament brutal de M. Irnois " mal bâti, grand, maigre, sec, jaune, pourvu d'une énorme bouche mal meublée et dont la mâchoire massive aurait été une arme terrible dans une main comme celle de l'Hercule hébreu ", ou que la physionomie de coquin du Comte Cabarot, perdu de mœurs et qui " pour six cent mille livres de rentes, et même pour beaucoup moins, aurait sans hésiter donné sa main à Carabosse avec tous les travers de taille et les monstruosités d'humeur de cette fée célèbre ", car le Comte Cabarot, ajoute Gobineau, " était un homme positif. "

L'auteur de Mademoiselle Irnois est tout entier dans sa manière de camper ses types, de nous donner en quelques mots aigus la substance d'un caractère. La façon dont Irnois, " suffisamment inepte ", fait fortune au coin d'un bois, est de la meilleure ironie. Je sais peu de scènes plus piquantes que celle où ce futur milliardaire, alors chemineau, est recueilli par une femme philosophe, un soir que cette parente de Mme Du Deffant reçoit à sa table Diderot, Rousseau et Grimm. " Le récit du vagabond déguenillé servit de texte heureux à différentes considérations trop justes, hélas ! sur l'ordre social. M. Rousseau de Genève embrassa publiquement Irnois en l'appelant son frère ; M. Diderot l'appela aussi son frère, mais il ne l'embrassa pas ; quant à M. Grimm qui était baron, il se contenta de lui faire de la main un geste sympathique en l'assurant qu'il voyait en lui l'homme, ce chef-d'oeuvre de la nature. "

La nouvelle, enfin, est pleine de ces phrases chères à Gobi­neau : " On l'accusait d'avarice et l'on était injuste ; s'il ne dépensait pas c'est que cela ne l'amusait point. " L'empereur invite Irnois à le venir voir. C'est sans doute pour le récom­penser, croit-on absolument dans l'entourage du financier. Mais le récompenser de quoi ? " De son immense fortune, répondit aussitôt Mlle Catherine Maigrelet. "

Comme la plupart des nouvelles de Gobineau, celle-ci finit mal, j'entends que la vertu n'est point récompensée ni le vice puni. Cela contristera les âmes sensibles et enlèvera à Mademoiselle Irnois la popularité qui s'attache aux romans feuilletons, pour ne lui laisser que sa parure de vérité.

TANCREDE DE VISAN.