- Le romantisme par le livre, l'autographe et l'estampe : [catalogue] / avant-propos de Marcel Bouteron ; [Louis Giraud-Badin, Maurice Rousseau, Pierre Cornuau].- Paris : aux Trois têtes, 1936.- III-160 p.-[14] f. de pl. : ill. ; 25 cm
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AVANT-PROPOS
J'étais en train de corriger, pour le tome XXXIX de l'édition Louis Conard, les épreuves des
Contes bruns,
par une tête à l'envers, auxquels, en 1832, Balzac collabora, en compagnie de ses camarades Philarète Chasles et Charles Rabou, et je vérifiais les annotations infligées par ma plume indigne à ce texte illustre, lorsque je vis entrer dans mon petit cabinet mon ami Pierre Cornuau. Il se fit un chemin à travers les bouquins étalés dans la pièce exiguë, puis me dit d'un air mystérieux :
— Je viens vous consulter sur un point de première importance, je désire avoir votre avis sur une nouvelle présentation de catalogue.
— Voudriez-vous, pour innover, présenter votre catalogue à la turque, en commençant par la dernière page, ou le signer, comme les
Contes bruns, par une tête à l'envers s'étalant hirsute et ricanante au milieu de la page de titre.
— Ne plaisantez pas, c'est très sérieux.
— Je suis très sérieux, je fais des hypothèses. Si la méthode turque ne vous convient pas, auriez-vous, par hasard, l'intention...
— L'intention ! Mais le projet est réalisé, le voici : un catalogue
tripartite exécuté par Louis Giraud-Badin, Maurice Rousseau et Pierre Cornuau,
réunissant, sur un sujet qui vous est cher — le Romantisme — la triple documentation des livres, des autographes, des estampes. Vous le savez bien, l'histoire d'une époque ne se trouve pas seulement dans les textes imprimés, si
vivants soient-ils. Que seraient les reconstitutions du passé sans le secours des autographes — plus ou moins lisibles — révélateurs
d'un caractère, des brouillons qui trahissent les secrètes hésitations, l'arrière-fonds d'une pensée, sans le secours du tableau, de l'estampe, de la caricature qui dévoilent les visages de ceux dont nous voulons pénétrer l'intimité, connaître le décor d'existence.
— Mais, c'est une très bonne idée et fort bien présentée, si j'en juge par la typographie et l'abondance du catalogue que vous me donnez à feuilleter.
— Eh bien ! puisque notre œuvre vous convient, soyez son parrain, baptisez-la.
Je fouillai dans les épreuves de mon tome XXXIX et je désignai à mon ami Pierre Cornuau ces mots (extraits de la réclame des
Contes bruns dans la
Caricature du 16 février 1832) : « Trois chefs sous le même bonnet. »
— Parfait, me dit-il. Pour ne pas copier servilement nous dirons : « Trois têtes sous le même bonnet. »
— Mais j'ai bien mieux, lui dis-je.
J'allai prendre sur son rayon un vieux livre qui fit les délices de mon enfance, les
Cent proverbes, par J.-J. Grandville, et par trois têtes dans un bonnet ; puis je l'ouvris à la page du titre.
— Voilà exactement notre affaire, dit Pierre Cornuau en saisissant le volume. Je file chez Ramond faire immédiatement clicher cette page mémorable. Merci, parrain !
— Au revoir, triple-tête ! Bonne chance ! Et si l'on vous demande quelles sont les trois têtes de fous qui sont là, vous répondrez que Quérard et Vicaire en indiquent quatre : Old Nick (Daurand-Forgues), Taxile Delord, Arnould Frémy, Amédée Achard, — mais que les trois portraits pourraient bien figurer, de gauche à droite : Old Nick, Delord, Frémy.
Marcel BOUTERON.
(1) Le griffonnage autographe de Balzac, reproduit ici en fac-similé, est tiré de la nouvelle intitulée Les Fantaisies de la Gina (Les Cahiers Balzaciens,
n° 2) et doit se lire ainsi : « Gregorio, enhardi par tant de services,
osait la saisir et la presser sur son cœur et alors Gina lui disait
d'une voix émue qu'elle était trop délicate pour supporter de telles
privautés. Cette stupide excuse engendrait mille disputes et reproches
qui la mettaient en larmes et ce faible amant attendri la laissait au
fond de sa bergère sans s'expliquer la faiblesse d'une femme si forte.
»