mercredi 30 septembre 2009

Georges Gassies des Brulies (1862-1933)


  • La Farce du Pâté et de la Tarte : comédie du quinzième siècle / arrangée en vers moderne par Gassies des Brulies ; avec neuf compositions en taille-douce, hors texte par J. Geoffroy.- Paris (15, rue Soufflot) : Librairie Charles Delagrave, [1890].- 51 p.- 9 f. de pl. ; 28 cm.

NOTICE

La Farce du Pâté et de la Tarte nous est parvenue dans le recueil précieux conservé à la bibliothèque du British Museum, à Londres. Ce recueil contient soixante-quatre farces, parmi lesquelles se trouve la Farce du Cuvier, dont nous avons, pour la première fois, l'année dernière, publié une adaptation, avec des illustrations de Jean Geoffroy. L'accueil fait à cette farce au théâtre lorsqu'elle y fut représentée, en juin 1888, nous a prouvé une fois de plus que les Français grands et petits savaient encore à notre époque éclater du rire franc et joyeux de nos pères.

La Farce du Pâté et de la Tarte n'a pas assurément la portée morale de la Farce du Cuvier. On n'y voit point autant de finesse de critique ; c'est une scène toute naïve, où Martin-Bâton, ce personnage que n'a pas dédaigné Molière lui-même, joue un rôle important. L'intrigue est toute simple ; un vol de pâté et de tarte. Cependant, si l'on considère les deux pauvres affamés de la farce, on avouera que, pour eux, ce pâté offre un intérêt capital, puisqu'il les empêche de mourir de faim !

De quelle époque est notre farce ?

Le recueil de Londres, qui est factice, c'est-à-dire composé de diverses pièces éditées chez différents imprimeurs, est du XVIe siècle.

La farce est probablement du XVe siècle. Elle parait contemporaine de Louis XI et de François Villon.

A ce propos, nous avons sans scrupule donné à nos deux malandrins les noms de Baillevent et de Malepaye. Ces noms sont ceux de deux piteux sires, dont le dialogue est joint d'ordinaire aux oeuvres de Villon. L'attribution ne parait pas plus juste que pour le Franc Archer de Bagnolet, dont le monologue est également édité avec les œuvres de Villon, dans l'édition Janet, par exemple. Dans le texte original du British Museum, les deux pauvres hères sont tout simplement désignés sous le nom de premier et second coquin.

Dans le dialogue de Baillevent et Malepaye, les deux noms s'appliquent à des personnages qui ont plus d'un trait de parenté avec les nôtres, bien qu'ils tranchent du gentilhomme.

De qui est ce dialogue ?

De qui est la farce ?

Puisque les érudits en sont réduits eux-mêmes à faire des suppositions, ne pourrons-nous humblement supposer que la farce et le dialogue pourraient bien être du même auteur.

Nommer Villon, c'est plus délicat.

En tout cas, notre vieux poète gaulois a plus d'une fois vécu à la façon de nos deux voleurs de pâté. Qu'on lise les Repues franches ! N'est-ce pas le même principe, le même élément de comique ! La mystification toujours, la ruse pour se procurer de quoi vivre ou « s'esbaudir ». L'ancêtre de ces fourbes, malgré tout sympathiques à cause de leur verve et de leur adresse, c'est Renard. le héros de la grande épopée satirique du moyen âge. Pathelin payant son drap de belles paroles. Villon et ses joyeux compagnons faisant chère lie sans bourse délier, Panurge enfin, sont de la même famille que les deux personnages de notre farce.

Le travail que nous présentons aux lecteurs est de la même nature que celui que nous avons fait pour la Farce du Cuvier. C'est aussi la première fois que cette vieille farce est adaptée.

Dans la collection de l'Ancien Théâtre français publiée par Viollet-le-Duc, le texte est donné sans commentaires et n'est qu'une transcription d'après le recueil conservé à Londres.

La pièce peut être facilement montée et jouée.

La difficulté d'avoir ou de figurer un Cuvier n'a pas arrêté les nombreux amateurs qui ont désiré représenter notre dernière Farce, et nous avons eu le plaisir de diriger en plus d'un salon les jeunes interprètes qui avaient bien voulu apprendre nos vers. C'est à eux surtout que s'adresse cette oeuvre sans prétention, car elle a besoin de l'action et du jeu pour produire son effet. Puisse-t-elle avoir les destinées que demandait pour la Farce du Cuvier un maître en l'art du Théâtre, M. Henri de Bornier, dans la lettre trop flatteuse qu'il nous a fait l'honneur de nous consacrer l'an dernier dans les colonnes du Musée des familles.

G. DES BRULIES.