- Cycle patibulaire : première série / Georges Eekhoud.- Paris (78, boulevard Saint-Michel) : La Renaissance du Livre, 1927.- 206 p. : couv. ill. ; 19 cm.
- Il a été tiré de cet ouvrage : cinq exemplaires sur papier Japon hors commerce marqués H. C., et vingt-quatre exemplaire sur papier de la Société Royale Hollandaise de Maastricht, numérotés de 1 à 24.
AVANT-PROPOS
C'est par le Cycle Patibulaire et Mes Communions que la réputation de GEORGES EEKHOUD fut établie à Paris pour rayonner de là dans le monde entier.
REMY DE GOURMONT contribua pour beaucoup à cette consécration par l'étude enthousiaste publiée dans son premier Livre des Masques où il rapprochait certaines nouvelles du romancier belge des plus beaux contes de BALZAC, où il allait même jusqu'à les leur préférer.
Parlant du Cycle Patibulaire dans le « Mercure de France» de juillet 1896, Mme RACHILDE ne se montrait pas moins férue de cet ouvrage : « C'est un beau livre, disait-elle. Je ne veux point misérablement m'inquiéter s'il est aussi bon que beau, et, si je ne le recommande pas aux très jeunes gens qu'il intoxiquerait peut-être, tant est maladroite certaine compréhension des littératures charnelles, je crois que sa violence même est le plus sûr garant de sa parfaite moralité cérébrale. Tout ce qu'un cerveau humain, bien portant, conçoit est humain selon la nature, possible. Par cerveau humain bien portant j'entends celui qui déduit les effets des causes avec logique mais sans se préoccuper des préjugés sociaux, des lois faites par ceux qui sont intéressés à les mettre en vigueur. Les passions profondes qu'analyse GEORGES EEKHOUD sont réprouvées par les législateurs modernes ; elles n'en ont pas moins leurs racines dans la terre, la bonne terre où l'on trouve pêle-mêle les pourritures, les amertumes et les purs germes des fleurs. Jadis elles étaient tolérées, anoblies, parce que jadis la terre était plus neuve, plus vierge, et que les pas pesants des législateurs intéressés n'avaient pas encore trop foulé son libre sol. Chauffée toujours par les mêmes fumiers mystérieux des corps en décomposition, la terre d'aujourd'hui donne toujours les mêmes plantes rares aux curieuses floraisons éclatantes et empoisonnées, mais le philosophe qui vit à l'abri de sa seule sagesse sait bien, aujourd'hui comme jadis, qu'il n'y a pas de poison dans la nature : il n'y a que des éléments chimiques. Voilà pourquoi à respirer les émanations qui se dégagent des viandes rouges servies en des plats d'or tout rutilants de gemmes du Cycle Patibulaire il ne convient pas d'éternuer comme une petite bourgeoise ou un imbécile ».
Dans le même numéro du Mercure de France, ANDRÉ FONTAINAS dédiait une importante notice à GEORGES EEKHOUD ; il écrivait notamment à propos du Cycle Patibulaire : « Ah quel beau livre de violence indignée et de justice surhumaine !... Vivre est le grand droit sacré, satisfaire aux besoins et aux désirs, quels qu'ils soient, naturels et innés ; il n'est pas de sentiment, il n'est pas de sensation en soi réprouvés ni maudits ; des hommes ont établi de factices règles et la nature humaine reste au-delà et au-dessus de la loi. Chacune des nouvelles qui composent le Cycle Patibulaire et Mes Communions porte en soi ce même enseignement généreux fait pour les races futures et affranchies. M. GEORGES EEKHOUD est un des plus audacieux que je sache parmi les libérateurs de l'esprit humain ».
GEORGES LECOMTE affirmait de son côté dans la Société Nouvelle de novembre 1896 : « Les personnages du Cycle Patibulaire vivent d'une vie bien personnelle et nul, avant GEORGES EEKHOUD n'eut le courage et le talent de nous intéresser à tant de passions, non seulement excessives mais aussi éloignées de notre sensibilité normale. M. GEORGES EEKHOUD l'a fait avec une beauté tragique, une puissance d'émotion admirable et, j'ajoute, avec chasteté. Toutes ces contorsions d'humanité pantelante au gibet de la morale sont dominées par la fatalité douloureuse et sévère qui met sur tout cela sa majestueuse grandeur ».
MAETERLINCK, lui, assimilait l'art de GEORGES EEKHOUD à celui du poète anglais ALGERNON SWINBURNE et pour définir la sensation neuve donnée par les effusions du Cycle Patibulaire, il comparait celles-ci à des vitriols de tendresse, tandis que JEAN LORRAIN, dans l'Écho de Paris, constatait que ces contes fleuraient sans vergogne aucune, mais avec quelle intensité, la cantharide, le soufre et le phosphore et en qualifiait la passion d'anarchisme érotique.
Dans ce premier volume des nouvelles réunies sous ce titre Cycle Patibulaire on trouvera entr'autres le Jardin, dont le lyrisme charnel assimile une plantureuse rustaude aux plus capiteuses floraisons de juillet ; Gentillie et Hiep-Hioup, deux troublantes histoires de possession, d'envoûtement érotique, que HENRI DE RÉGNIER proclamait des chefs-d'œuvre de concision et de vie ; Partialité, une aventure inquiétante, aux réactions morbides concertant avec les explosions d'un orage ; Croix Processionnaires qui prélude aux épopées de vagabonds et de hors la loi et aussi de prétendus hors-nature figurant dans le second volume (à reparaître sous peu) de ce Cycle encore plus rédempteur et évangélique que patibulaire.