- La Morale des lignes / Mecislas Golberg ; avec des reproductions de dessins Rouveyre et un portrait par A. de La Gandara gravé sur bois en deux tons par P.-E. Vibert.- Paris (19, quai Saint-Michel) : Librairie Léon Vanier, éditeur, Albert Messein, successeur, 1908.- 196 p.-1 f. de pl. en front. : ill. ; 19 cm.
- Il a été tiré de cet ouvrage : 20 exemplaires sur papier de Chine, numérotés de 1 à 20 ; 20 exemplaires sur papier des manufactures impériales du Japon, numérotés de 21 à 40 ; 40 exemplaires sur papier de Hollande, numérotés de 41 à 80 ; et des exemplaires sur papier teinté d'Arches.
AVANT-PROPOS
J'ai entrepris, dans le présent volume, de rechercher une idée absolue. C'est très simple — une idée absolue —. On en trouve autour de soi, dans les livres, dans la vie. C'est peut-être même sa fréquence qui empêche les braves instructeurs du genre humain d'y penser. On préfère des idées de ceci - et de celà, idées inédites, idées originales, idées extraordinaires, idées enfin avec lesquelles on torture, sans aménité, et le papier et le cerveau pour aboutir à un résultat toujours le même ; à savoir : le recommencement indéfini de la construction de ce palais du rêve : idée !
Or, on ne reprend jamais une idée absolue. L'énoncé demeure ; répété ou rejeté il crée autour de lui tout un monde de faits qui le continuent, avec plus ou moins d'éclat, avec plus ou moins d'anonymat.L'idée absolue est une naïve et petite idée : la table de Pythagore, la loi de la ligne droite, la loi de l'évolution dite par Darwin, celle des lignes de beauté formulée par Vinci, ou bien des mystères du ciel dite par Kepler, ou celle de la parole donnée par Dante ; ces idées là : « La pierre tombe à cause de son poids », « La mort est l'aboutissant de la vie », « tout devient », sont des aperçus de la loi indestructible de la substance même de l'existence.
Oh ! les nombreuses pensées de celui-ci et de celui-là ! Immenses inventions de M. Tartempion et du Sire de la Palisse ! Les beaux chefs-d'œuvre des Concours Agricoles, des Congrès des Sciences ! Les beautés innombrables écloses à nos fières expositions d'art ! je vous salue respectueusement à la porte de l'humaine foire où je n'ose entrer.
Dans les pages qui suivent je vais chercher l'indication d'une esthétique suggérée par une oeuvre solide et entière de Rouveyre : Carcasses Divines (1). Je vais essayer de reconstruire l'intellect de la ligne, de chercher dans ces graphiques leur âme verbale et de formuler quelques lois concernant les mystères de l'âme humaine, du cœur, de la pensée autant qu'elles s'expriment par des tracés absolus que je chercherai dans cette oeuvre.
(1) Dessins inédits de Rouveyre, 1906 et 1907 (Bosc et Cie éditeurs, 38, Chaussée d'Antin, Paris, 1907. 5 francs). Les dessins reproduits en réduction au cours de notre ouvrage sont extraits de ce volume.